Fini de jouer – sur Hamlet de Christiane Jatahy
On a connu Christiane Jatahy en France avec de grandes adaptations : Julia, d’après Mademoiselle Julie de Strindberg, puis What if they went to Moscow, d’après Les Trois soeurs de Tchekov – toutes deux partageant une même intelligence de plateau qui aura en outre légitimé plus que quiconque l’intérêt dramaturgique de la vidéo, peut-être un peu plus sous le feu des critiques il y a dix ans. Mais il faut bien avouer qu’après ces deux succès évidents, les créations suivantes de la metteuse en scène ont commencé à cliver ; parfois, à notre avis, à tort (Le Présent qui déborde, voir l’article paru dans AOC), d’autres fois à raison (Entre chien et loup).

À vrai dire, on a assez peu remis en question les dispositifs desdits spectacles, toujours aussi intéressants formellement, même lorsqu’ils allaient lorgner du côté de l’installation (A Floresta que anda, également d’après Shakespeare) : ceux-ci avaient simplement l’air moins opérant. Peut-être parce que Jatahy, si apte à cinématographier le théâtre, se retrouvait plus empêtrée lorsqu’il s’agit de théâtraliser le cinéma (La Règle du jeu, Entre chien et loup) ?
À vrai dire, c’est surtout parce qu’une bonne partie de ces pièces transpirait à tel point l’époque – celle du repli identitaire et des fascistes au pouvoir, celle des réfugiés et des cruautés politiques –, qu’ils finissaient, malgré eux, par rendre les armes devant elle. Autant dans ce marasme du zeitgeist, certains spectacles continuaient de garder foi en l’art, autant d’autres, un peu plus récents, sombraient : à vrai dire, dans Notre Odyssée, le plateau s’était déjà absenté ; et un peu plus tard, Entre chien et loup refusait le moindre pouvoir au théâtre comme au cinéma… On ne pouvait tout simplement plus continuer à représenter ; pas tant parce que Bolsonaro et ce qu’il signifie l’avaient emporté sur les imaginaires, mais surtout parce que l’urgence du monde avait fait du théâtre un endroit subsidiaire de la lutte.
Il y avait donc beaucoup à attendre