Mélancolie de la zone – sur Knit’s Island, l’île sans fin de Barbier, Causse et L’helgoualc’h
En 2013, un game designer néo-zélandais, Dean « Rocket » Hall, développe une version alternative du jeu de tir tactique ARMA II : DayZ, un jeu de survie post-apocalyptique multijoueur en ligne, que l’on navigue en vue « à la première personne » et dans lequel des zombies ont infesté une zone qui ressemble à bien des égards à une contrée post-soviétique entrée en état de décrépitude avancée.

Communiquant avec leurs micros et incarnant des personnages dont ils peuvent choisir l’apparence, les joueurs et les joueuses y errent en solitaire ou en formant des groupes, pour s’affronter ou s’aider à survivre à l’intérieur d’une étendue immense et généralement peu habitée. Après cinq ans de développement, le jeu a connu un immense succès à partir de sa sortie officielle en 2018, bien après que les premiers explorateurs ont foulé la terre fictive de Chernarus.
C’est à ce moment qu’Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’helgoualc’h commencent à jouer à DayZ et à réaliser, à partir des images du jeu, un documentaire dans la lignée de leur premier moyen-métrage, Marlow Drive, « tourné » dans le jeu en ligne GTA V avec le Mulholland Drive de David Lynch comme inspiration première. Leur travail s’inscrit dans le sillage d’une pratique aussi vieille qu’Internet, depuis que le jeu vidéo peut être enregistré et partagé en ligne : le « machinima », contraction de « machine » et « cinéma », qui désigne les films, fictionnels, documentaires ou expérimentaux, réalisés à partir d’images vidéoludiques.
Si la pratique a émergé sur YouTube, où bon nombre de fictions alternatives, réalisées avec très peu de moyens, ont été diffusées par des joueurs et joueuses avides de transformer des titres emblématiques (Halo, GTA, Les Sims, etc.) en réservoirs à fiction, elle a connu sa mue durant la décennie 2010, lors de l’ouverture des jeux eux-mêmes, dont les systèmes font désormais preuve de plus en plus de souplesse (personnalisation des avatars et des équipements, mondes dits « ouvert