Un Kafka-case – sur J’irai chercher Kafka de Léa Veinstein
Sans doute, cela n’a-t-il pas grande importance, et la littérature doit-elle se prémunir absolument de toute vache sacrée… Mais il n’empêche : on ne peut s’interdire d’y penser, un peu perplexe, assez souvent. De quoi s’agit-il ? De Kafka. Il y a quelques semaines, ou quelques mois déjà, une émission littéraire très populaire de la télévision française a eu l’idée un peu étrange, ou se voulant du moins originale, de proposer à ses invités d’évoquer un livre ou un auteur qu’ils n’aimaient pas… Or, celui qui sembla s’imposer alors, en tout cas plus que d’autres, ce fut Kafka.

Singulier phénomène : alors même que je n’avais rien, comme on dit, contre les personnes réunies autour de cette table télévisuelle, lesquelles peuvent même m’être très sympathiques, je fus sidéré par un moment, assez long, que rien ne vint véritablement interrompre, où s’exprima de façon presque irrationnelle une sorte de défoulement progressif contre l’auteur de La Métamorphose (le texte principalement ciblé dans ce drôle de procès).
Qu’est-ce que cela signifiait ? Cette scène avait l’air d’être, à sa façon un peu énigmatique, une émanation de l’œuvre-même de Kafka : s’y déployait en tout cas, assez superbement, une espèce de mécanique absurde de la violence, fût-elle symbolique, et, pour le coup, sans véritable effet… Kafka en a vu d’autres, pourrait-on dire, très simplement. Il n’empêche : je ne suis pas le seul que cette séquence ait troublé, je crois, parce qu’elle interroge assez brutalement l’intimité de notre rapport à une œuvre si particulière, qui fait que l’on s’y sent souvent « chez soi », et pourtant, et en même temps, dans un inconfort unique, vertigineux. Et c’est précisément ce que nous écrivions ici, au temps du confinement, dans un état alors transi, qu’on peut même dire extrême, en relisant Le Château. Quelle autre œuvre supporterait cela ?
On me pardonnera, je l’espère, un si long préambule, au moment d’évoquer le livre plein de ferveur de Léa Veinstein, J’irai cher