Ben, vivre c’est aimer
Début des années soixante, à Nice, tout le monde est au courant qu’une espèce d’énergumène nommé Ben sévit dans le milieu artistique, dans les lieux publics, dans les rues, sur la promenade des Anglais. Si tout le monde connaît son nom, à peu près personne ne le prend au sérieux. On le considère un peu comme un bouffon, un exhibitionniste qui cherche à se faire remarquer, un roquet qui mord les chevilles des futurs grands de l’École de Nice, Arman, Yves Klein, Martial Raysse que les amateurs bien informés commencent à collectionner.

Il faut cependant reconnaître que Benjamin Vautier ne manque pas d’aplomb. Il a de la persévérance, de la suite dans les idées, il enfonce le clou. Et puis surtout il a de la présence. En public, sur scène, il a quelque chose de charismatique, une beauté à la Pierre Clémenti, une façon de se tenir et de bouger, un sens du rythme, une voix avec cet accent étrange, très difficile à situer. Bref, il fait montre d’une maîtrise de soi, d’une conscience, d’une tenue qui ne cadrent pas avec l’idée d’un type pas sérieux, qui ferait n’importe quoi. Est-ce qu’il joue au provocateur ? Est-il sincère ? Ceux qui jugent Ben négativement et le condamnent ne seraient-ils pas tout bonnement victimes de leurs préjugés concernant la valeur de l’art, ne seraient-ils pas tout bonnement mal informés ? Non, il ne fait absolument pas n’importe quoi. Et l’avancée de sa démarche va démontrer qu’elle est d’une grande cohérence.
D’abord, il n’est pas isolé. Sur l’échiquier de la modernité, il ne joue pas sa partie en solitaire. Il fait partie d’un groupe d’artistes internationaux qu’à peu près personne ne connaît en France. Il s’agit d’un véritable mouvement d’action et de pensée. En réalité, plus qu’un mouvement, c’est une manière d’être, de vivre. Son nom est Fluxus. Ben y est très actif, comme il l’est habituellement. Être actif, c’est sa nature, il n’a pas besoin qu’on vienne s’occuper de lui, il n’attend rien de l’establishment, des institutions, des