Littérature

Leçons de littérature (et de politique) – sur Le métier d’écrire d’Italo Calvino

Écrivain

Considérer les temps politiques troublés que nous traversons en France est peut-être une bonne façon de revenir à l’œuvre d’un écrivain qui fut aussi un grand intellectuel, formé dans la conscience de l’antifascisme et mort juste avant l’avènement triomphant du berlusconisme en Italie.

Publiée il y a quelques mois en traduction française, la correspondance choisie d’Italo Calvino a été heureusement titrée Le métier d’écrire, où on lit bien évidemment une allusion au Métier de vivre, le titre du journal de son ami Cesare Pavese, qui consacra à son premier livre, Le Sentier des nids d’araignées (1947), un texte reproduit dans un fort copieux Cahier de l’Herne, où l’on trouvera une foule d’inédits, notamment relatifs à la relation privilégiée entre les deux écrivains : « C’est à Pavese, déclarait ainsi Calvino, que je dois ma formation d’écrivain. »

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Pavese était « non seulement mon auteur préféré, un de mes amis les plus chers, un collègue de travail depuis plusieurs années, un interlocuteur quotidien, mais un des personnages qui aura été le plus important dans ma vie : il était celui à qui je dois tout ce que je suis, qui avait déterminé ma vocation, dirigé et encouragé par la suite tout mon travail, influencé ma manière de penser, mes goûts, jusqu’à mes habitudes de vie et mes comportements ».

En dépit de cette extraordinaire proximité, dont rendent comptent quelques lettres bouleversantes après le suicide de Pavese en 1950, Calvino ne partagea pas la pratique du journal intime qui fut celle de son ami, dont il raconte qu’il lui dit un jour : « Tu tiens un journal intime ? Mais tu es dingue ? » Il demeura étranger à cette géniale « dinguerie », peut-être parce que son caractère ne l’y disposait pas, et qu’il ne manifesta jamais la moindre inclination, comme l’explique Martin Rueff dans sa préface, pour une quelconque forme d’écriture intime.

S’il a certes tenu le journal ou la chronique de ses séjours à Paris et voyages aux États-Unis, Calvino n’a cessé en effet de manifester une très grande réserve à l’égard de toute confession, et une sorte de retenue systématique quant à l’évocation de sa vie privée : ainsi les 315 lettres retenues dans Le métier d’écrire peuvent-elles constituer, comme par compensation, le mémento pudique de 45 ans d’


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire