Lançeuse de balles de défense – sur Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke
On se croit transporté dans un nouvel ordre de choses. Des vues insensées, paysages inaperçus, il faut se refaire des lunettes pour regarder cela.

À première vue, pourtant, on se pensait tombé dans un récit usiné, rédigé comme un Fantômette ou un After : « Fauvel observe Hannah avec admiration. Elle est élancée et finement musculeuse sous son poil ras. Elle a de beaux yeux. Mais Fauvel doute de pouvoir s’en faire aimer. » Fauvel est une femme, Hannah un animal, une chienne. À priori trop d’adverbes attendus, trop de « avec » + substantif, de psychologie convenue : « Luc (…) la prend par le bras avec bonhomie », « avec un sourire content », « avec une certaine amertume », etc. Luc est le maître de Hannah, que Fauvel est venue garder pendant les vacances d’icelui, car elle est une amie de Mado, la fille de Luc. Luc est un vieux, prototype du boomer : « On l’imagine aisément, plus jeune, partir en Inde en stop, prendre des drogues psychédéliques, devenir bouddhiste, puis progressivement, à son retour, se remettre à manger du saucisson et commencer à voter au centre droit. »
Ah, voilà, ça se détraque. Un bisou, une gifle ; du kawaii, du seum : « Fauvel était alors un feu follet, un être vif aux longs membres ondoyants ; elle avait un tas d’idées inhabituelles qu’elle disséminait de sa voix timide. Aujourd’hui, c’est une personne triste et fatiguée. » Assez vite, on comprend que ce style neuf, mi-suranné mi-magique, n’est pas forcément une ruse ou un piège mais peut-être une forme de bienveillance : une « facilité aimante à se couler dans les clichés » lira-t-on en tête du chapitre dix-neuf.
Mais il n’y a pas évidemment que des lieux communs dans cette écriture. Surtout des loci horribiles : une forêt, du brouillard, des extraterrestres, du sang, des chasseurs castrés, et un lexique rare comme des champignons fluos à plusieurs coins de pages : « salomoniques », « cachectique », « là-contre », « infundibuliformes », « breuil », etc. Il paraît que les ermites s’e