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La place – sur Aucun respect d’Emmanuelle Lambert

Écrivain

Le premier livre d’Emmanuelle Lambert, Mon grand écrivain (2008), était un récit personnel de sa relation à Alain Robbe-Grillet, sur les archives duquel elle avait travaillé à l’IMEC. Elle revient aujourd’hui au « pape du Nouveau roman » à travers un récit d’initiation largement autobiographique. Une réflexion pleine d’humour sur la place d’une femme (et des femmes) dans le monde intellectuel et la société d’aujourd’hui.

Aucun respect est le neuvième livre d’Emmanuelle Lambert, et on se dit, en re-parcourant sa déjà belle bibliographie, qu’elle n’a cessé, depuis ses premiers textes, de travailler à (se) trouver une place. Une place ? Celle qui échapperait aux assignations de principe, peut-être à certains déterminismes culturels, voire sociaux, et qui en tout cas pourrait correspondre à la justesse toujours problématique d’une identité.

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Sans doute est-ce un peu simple de le résumer ainsi, mais la question qui taraude les livres de l’écrivaine, essais ou récits, semble bien être dès l’origine celle-ci : qui suis-je ? Une question, un motif, et le gage de quelque chose comme une œuvre sincère.

Qui suis-je, ainsi, au regard des lectures essentielles qui m’ont constituée (Robbe-Grillet, Genet, Giono, Colette…), comme des êtres qui ont fait de ma vie ce qu’elle est, dans son écriture même ? On retrouve là la constance d’un je, explicite ou affleurant, dissimulé au besoin sous la troisième personne mais sensible en permanence dans des textes divers, parfois ouvertement autobiographiques et souvent consacrés à un auteur aimé, où une même voix, singulièrement timbrée, assure une évidente cohérence à travers des titres eux-mêmes éloquents : Mon grand écrivain, Un peu de vie dans la mienne, La Tête haute, Apparitions de Jean Genet, Le Garçon de mon père…

Aucun respect marque à l’évidence une étape supplémentaire dans ce parcours, qui en fait aujourd’hui l’un des livres les plus en vue de la rituelle « rentrée littéraire » d’automne. Emmanuelle Lambert y raconte en effet, sur le mode du roman d’initiation, autofictionnel et ironique, une histoire de femme très personnelle, mais aussi un moment de l’histoire des femmes en général, et plus simplement une séquence de notre histoire commune à tous.

La première qualité du récit tient en tout cas à la souplesse avec laquelle il restitue, au rythme de courts chapitres, la chronique de « l’Institut », ainsi désigné en référence transparente


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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