Paris excavé, Paris magnifié, mais Paris libéré – sur Paris, musée du XXIe siècle. Le dix-huitième arrondissement de Thomas Clerc
Toutes les personnes ayant un téléphone portable le savent. Il existe une application qui permet de compter le nombre de pas que l’on fait en une heure, deux heures ou une journée. Elle a sans doute été conçue aux États-Unis où le sport et le corps sont magnifiés. Thomas Clerc est très loin de cet esprit. C’est un homme de haute culture, né, grandi et vivant à Paris, un flâneur que la quête d’air pur et de muscle indiffère.

Non seulement il lui préfère le bitume et l’arpentage urbain, mais il expérimente la ville en faisant de sa propre personne son étalon. Alors, combien de pas a-t-il accumulé en sillonnant avec autant de détermination le nouvel arrondissement où il vit, le dix-huitième ?
Plutôt que d’essayer de compter leur nombre, je rappellerai que l’écrivain a publié un antécédent à ce volume en 2007. Le titre du livre était le même, mais le sous-titre précisait « Le dixième arrondissement ». Entre-temps Thomas Clerc a déménagé, mais, de toutes façons, il ne va jamais très loin. Il descend chez lui (dans sa cave, par exemple) ou de chez lui, carnet en main, yeux écarquillés et métamorphosés en loupe. Il voit ce que nous voyons sans le voir ou refusons de voir, ce qui file sous nos yeux, disparaît, vient d’apparaître, ne disparaîtra jamais ou n’en finit pas de s’effacer. Et il pense, rebondit intellectuellement, socio-politiquement et affectivement – ainsi mentionne-t-il les amis qui ont vécu à tel ou tel numéro. Beaucoup sont écrivains, critiques ou artistes. Relevons le fantôme de Jean-Pierre Salgas, dont le savoir sur la littérature française du XXe et du XXIe avait une précision follement hypermnésique. La précision de Thomas Clerc est comparable, follement hypervisuelle.
Je dis « hyper » parce que son regard est loin d’être vierge. Notre homme a une culture artistique et littéraire qui le nourrit profondément. Son œil est à la fois d’une extrême sophistication et naturellement acéré. Pour la sophistication, je citerai l’usage, heureusement modéré,