Littérature

Histoire de la honte – sur Pour Britney de Louise Chennevière

Critique

Pour son troisième livre, ni fiction ni essai, l’écrivaine de 31 ans relit le mythe de la superpopstar Britney Spears au prisme des analyses de l’écrivaine Nelly Arcan et de sa propre expérience. Un texte abrupt sur la façon dont la honte est enseignée aux femmes et sur les agressions sexistes dont nous sommes chaque jour les témoins complices.

C’est un livre de combat. Au cas où l’on n’aurait pas encore compris ce que les hommes font aux femmes. Et de fait, en le lisant, on se rend compte qu’on (en tant qu’homme cisgenre) n’a pas compris, pas vu, pas été concerné, du moins pas intimement. Un texte de mitraille, staccato, qu’on ne peut guère lâcher une fois qu’on l’a commencé, qu’on lui a prêté un peu de notre chair pour le faire fonctionner : ni fiction ni essai, à la première personne. Pour Britney est un livre violent, qui parle fort et vite.

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La mort est en son cœur : l’autrice va-t-elle réussir à tenir celle-ci en lisières, à la circonscrire, l’éloigner ? Elle cite l’écrivaine québécoise Nelly Arcan (1973-2009), qui, avec la chanteuse américaine Britney Spears, est l’autre héroïne théorique du livre : « “Les putes comme les filles du Net étaient condamnées à se tuer de leurs propres mains” et “elles préféraient s’achever elles-mêmes en sentant le grondement des derniers milles plutôt que de ramper dans l’existence”. » C’est extrait de Folle (Seuil, 2004). Et cela vaut pour toute femme médiatisée, pour toute femme au final, « vivant et mourant du désir des hommes » comme l’exige notre culture.

On se rappelle que Nelly Arcan connut une entrée foudroyante en littérature avec l’autofiction Putain en 2001, aussitôt rangée au rayon des textes sulfureux ou émoustillants malgré l’âpreté et la complexité de son propos sur le regard masculin, sur ce que celui-ci avait fait à son corps, passé sous le bistouri esthétique. Elle est retrouvée pendue dans son appartement en 2009. Après sa mort, Nancy Huston préface un inédit. Camille Laurens et Ovidie écrivent sur elle. Des spectacles sont montés, un film sort en 2017.

En 2024, nous voyons Britney Spears sur son compte Instagram qui danse, mal éclairée, en bikini, sous l’œil d’une caméra un peu trop surplombante pour que l’image soit flatteuse. Les médias people vomissent chaque semaine des phrases du type « Britney Spears s’est fait remarquer de la pire de


Éric Loret

Critique, Journaliste

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Féminisme