Qui vive – sur l’exposition « Surréalisme » au Centre Pompidou
Par l’un de ces tours dont la fortune a le secret, la dernière représentante du surréalisme, la merveilleuse et intransigeante Annie Le Brun, nous aura quitté l’année même où l’on célèbre le centenaire du mouvement. Ironie du sort ?

Sans doute, si l’on veut bien considérer l’ironie comme la forme supérieure de l’esprit de suite. Née en 1942, Annie Le Brun avait rencontré André Breton en 1963 et allait rester, comme son amie la peintre Toyen, à qui elle consacra une remarquable exposition au Musée d’Art moderne en 2022, l’une de ses plus proches et fidèles accompagnatrices. Depuis la mort de l’auteur du Manifeste en 1966, puis la proclamation de la dissolution du mouvement par Jean Schuster en 1969, Annie Le Brun n’aura cessé de défendre, avec une rage et un engagement sans concession, le vif et la grandeur d’un mouvement que tous les hommages et commémorations ne faisaient à ses yeux que réduire et vitrifier.
J’aime à penser que c’est aussi par fidélité à ce que dit très bien à son propos le vieux mot d’enragement que l’on réédita cette année son essai Qui vive. Considérations actuelles sur l’inactualité du surréalisme. Sorti en 1991, celui-ci dénonçait à l’époque « les manifestations commerciales et culturelles, la récupération sans vergogne, qui tentent depuis un quart de siècle de réduire le surréalisme à un mouvement esthétique parmi d’autres – donc de le détruire ». Cette logique mortifère, poursuivait-elle, « culmine avec la grande exposition surréaliste de Beaubourg du printemps 91, où vont se retrouver les nécrophages qui vivent sur ce qu’ils croient être un cadavre ». Annie Le Brun visait là l’exposition André Breton. La beauté convulsive qui, à travers plus de cinq cents œuvres et de multiples manuscrits et documents, donnait à voir avec une ampleur alors inédite l’histoire du mouvement et l’exercice du regard de son fondateur.
L’institution et l’avant-garde
Une trentaine d’années plus tard, nul doute que l’exposition qui vient de s’ouvrir à Beau