Littérature

« Mon lot à moi c’est d’étreindre les morts » – sur Hotel Roma de Pierre Adrian

Écrivain

Le récit s’attache surtout à la dernière année, aux derniers mois, aux derniers jours, aux dernières heures, comme un livre des fins, à l’hôtel Roma, à Turin, où Cesare Pavese s’est donné la mort le 27 août 1950. Pierre Adrian prodigue une vraie amitié à cet artiste magnifique et hanté par le spectre de la mort.

L’incipit vous donne envie d’appareiller. « En ce temps-là, si on m’avait demandé où je voulais partir, je crois que j’aurais répondu à Turin. » D’autant que le titre du livre, Hotel Roma, et le titre du premier chapitre (« Les mers du Sud ») induisent déjà un mystère, un léger déplacement propice au récit. On saura gré à Pierre Adrian, et à son éditeur, de ne pas avoir prétendu qu’il s’agissait d’un roman. Libre à nous d’y voir un récit de voyage, une enquête, une quête, sans doute les trois à la fois. Ce qui est sûr, c’est qu’il suit Pavese à la trace, comme il avait auparavant suivi Pasolini sur les routes.

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Les mers du Sud sont un titre emprunté à Pavese qui, lui-même, l’inscrivait directement dans le sillage de Melville, qu’il avait traduit. Et son incipit suffit à nous rappeler qu’il est un des plus grands écrivains du XXe siècle et pas seulement d’une Italie qui a pourtant donné quelques patrons et quelques chefs d’œuvre. « Un soir nous marchons le long d’une colline, en silence. Dans l’ombre du crépuscule qui s’achève, mon cousin est un géant habillé tout de blanc, qui marche d’un pas calme. »

Au début, on est à Dieppe, on pourrait être dans n’importe quelle autre ville, mais c’est le temps du confinement qui nous a pris par surprise, le temps de la lecture et des rêves d’évasion. Et lire Pavese, tout Pavese, vous entraîne évidemment à Turin qui fut – avec les collines des Langhe – le noyau de son existence et le lieu de son suicide. Au passage, on a la confirmation que Pierre Adrian est jeune, puisque le confinement lui pèse par sa monotonie, lui donne le sentiment assez radical que « nous rejoignions le quotidien des vieillards, l’attente de la mort ». Pavese, en tout cas, l’a beaucoup attendue avant d’en finir à quarante et un ans.

Hôtel Roma se compose de brefs chapitres qui nouent avec une grande empathie le sujet qui enquête et le sujet de l’enquête. Il y a quelque chose d’un saint chez Pavese et on peut voir dans ce livre une forme de Vie com


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète