Littérature

Parents terribles – sur Le Club des enfants perdus de Rebecca Lighieri

Critique Littéraire

Peut-on être un bon parent selon Rebecca Lighieri (pseudonyme d’Emmanuelle Bayamack-Tam) ? Sans doute pas. La romancière confirme son talent pour révéler la bêtise et le ridicule, ici de deux parents sournoisement cruels envers leur fille Miranda, une jeune femme de vingt-sept ans à la dérive.

À partir de quand des parents peuvent-ils être qualifiés de cruels, quand ils ne le sont pas de manière évidente, criante ?

publicité

Lorsqu’ils s’adorent, eux-mêmes et l’un et l’autre ; lorsqu’une mère s’emploie à critiquer sa fille à longueur de journée, à se comparer à elle en trouvant chez son enfant tous les défauts dont elle-même est dépourvue ; lorsque le couple copule au milieu du salon en oubliant que l’adolescente risque de débarquer car, après tout, elle est aussi chez elle quand elle est chez eux, ce n’est pas bon. Cela peut se terminer de façon tragique et c’est le cas dans Le Club des enfants perdus, de Rebecca Lighieri, pseudonyme d’Emmanuelle Bayamack-Tam.

Les romans qu’elle signe sous son pseudonyme sont réputés plus sombres que ceux qu’elle signe de son nom, mais l’écart ne nous saute pas aux yeux : son univers est toujours noir, peut-être même un brin répétitif dans les motifs qui le construisent. L’autrice, récompensée du Prix Médicis (La Treizième heure, POL, 2022) et du Prix du Livres Inter pour Arcadie (POL, 2018) sous le nom de Bayamack-Tam, est la défenseure des enfants et des adolescents contre les adultes, ceux-ci faisant des horreurs, même à leur insu. Elle est de livre en livre l’écrivaine de la famille. Peut-on être un bon parent, selon Lighieri (ou selon Freud) ? Sans doute pas.

En tout cas les autres ne le sont pas ; c’est l’enfer. Ils agissent toujours mal. Ce livre-ci détecte le diable qui se cache dans les détails, dans la maltraitance sournoise qui se glisse dans les plis : elle prend la forme de l’indifférence, d’un mot d’esprit qui blesse, d’une phrase qui dénigre et rabaisse et contre laquelle l’enfant ne se rebelle pas. Le Club des enfants perdus est un beau titre qui peut renvoyer à tous les jeunes personnages de l’œuvre de l’écrivaine, leur sauveuse. Il fait songer à la bande de Peter Pan, héros qui agrège les enfants abandonnés par les leurs. C’est également, on le découvre à la fin de ce roman, le club de ceux qui meurent


Virginie Bloch-Lainé

Critique Littéraire

Rayonnages

LivresLittérature