Art contemporain

Dissection holistique des cadavres – sur « De sang chaud et de terre » d’Eglé Budvytyté au Plateau

Critique

Dans « De sang chaud et de terre » (Warm Blooded and Earthbound), la performeuse et vidéaste lituanienne chorégraphie la jeunesse cyborg éprise de « soin » et d’égalité paisible. Elle y caresse la peau de la Terre sous les auspices de sa compatriote archéologue Marija Gimbutas, auteure du Langage de la déesse.

Dans De sang chaud et de terre (Warm Blooded and Earthbound), la performeuse et vidéaste lituanienne chorégraphie la jeunesse cyborg éprise de « soin » et d’égalité paisible. Elle y caresse la peau de la Terre sous les auspices de sa commatriote archéologue Marija Gimbutas, auteure du Langage de la déesse (éditions Des femmes).

publicité

Tandis qu’on aperçoit, au fond d’un goulot de tentures, sur un écran de projection, des gens jeunes et non genrés touillant, baignant, consolant peut-être, des morceaux de squelettes humains dans des eaux boueuses, on se rappelle quelques phrases du dernier livre d’Olivier Cadiot, Pour Mahler (P.O.L.) : « Pavillon de porcelaine vert et blanc. Psalmodie de mémoire. Voile, navigue – lac. Vie passe. Au milieu de la petite maison. In dem Häuschen. Courbé, abattu, tellement. Idée du merveilleux brisé. Os, fragment rupture. Là encore pour ressaisir la vie. »

Le Frac Île-de-France, pour lequel a été produit « De sang chaud et de terre », a acquis de la même artiste Songs from the compost: mutating bodies, imploding stars (Chants du compost : Corps en mutation, étoiles implosantes), qui avait été présenté à la Biennale de Venise il y a deux ans et qui en constitue en quelque sorte le prélude. Au tout début de Pour Mahler, un arbre prend la parole : « Je suis l’arbre transplanté dans les jardins d’eaux. Je suis fluide. (…) / Je me compose. Je me décompose. »

Ce n’est jamais très poli de mettre deux œuvres en rapport surtout si elles traitent une même chose de façon opposée, surtout si l’on cite un homme pour parler d’une femme, etc. Mais il se trouve que « Warm Blooded and Earthbound » comporte aussi un long poème récité par la voix transformée, dégenrée, de l’artiste lituanienne : d’abord une sorte de blason du corps humain (« tes reins deviennent-ils amer ? », « cœur humain dans mes mains ») qui prend la consistance d’une physionomie baroque « passant par les voies digestives des asticots » ; le texte en vient ensuite à des considérations


Éric Loret

Critique, Journaliste

Mots-clés

Anthropocène