Art contemporain

Le peuple des lucioles – sur Apichatpong Weerasethakul au Centre Pompidou

Critique

Le Centre Pompidou accueille Apichatpong Weerasethakul pour une rétrospective multi-formats (cinéma, vidéo, installation VR). C’est l’occasion de voir comment son œuvre « hors cinéma » explore la lumière comme une matière plastique et onirique. Mais l’artiste cinéaste ne fait pas qu’éblouir les spectateurs et spectatrices. Il les transforme eux-mêmes en fantômes, voyants et lucioles.

Ébloui ! C’est l’état dans lequel l’œuvre d’Apichatpong Weerasethakul laisse plus d’un cinéphile depuis désormais plus de vingt ans.

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Pour le coup, la tentation est grande, à chaque fois qu’est présenté l’un de ses nouveaux opus (film, installation vidéo, exposition, performance) d’user de ces superlatifs qui s’étalent chaque semaine ou presque sur les affiches et colonnes Morris : « éblouissant », « stupéfiant », « une expérience dont on ne ressort pas indemne » !

Pour une fois, après avoir parcouru l’exposition « Particules de nuit » (dans l’ex-atelier Brancusi jusqu’au 6 janvier), après avoir traversé (mais aussi été traversé) par la performance VR « A Conversations with the sun » (dont la trop courte exploitation s’est malheureusement terminée le 14 octobre), ces expressions ne nous semblent pas usurpées. On pourrait donc les reprendre mais ce ne serait pas rendre service à l’œuvre de Weerasethakul. Il faut aller plus loin que le saisissement originel, mais on peut aussi commencer par là tant cette œuvre « hors cinéma » de Weerasethakul travaille précisément sur ce phénomène de l’éblouissement.

Du pixel au soleil en trois dimensions, de la lueur à l’embrasement, Weerasethakul fait feu de toute unité de lumière. La nuit en plein jour sur la piazza (dans un ex-atelier Brancusi transformé en boite noire aux verrières occultées) et le soleil au sous-sol du bâtiment, donc. Les polarités de l’ombre et de la lumière, du haut et du bas, et même, allons-y, du ciel et de la terre, sont d’emblée inversées. Mais Weerasethakul ne se satisfait pas d’oppositions – ni même de retournements – aussi binaires. Rien que la synthèse des titres des deux événements tourne au paradoxe quantique : même la plus infinitésimale des particules a le droit de tenir tête au roi des astres !

Le parcours de l’exposition, plongé dans une savante pénombre qui nécessite un certain temps d’adaptation, confirme cette approche pointilliste de la lumière. Une lumière aussi bien impressionniste


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