Littérature

« Mais quel immense bonheur s’il était là » – sur Alors c’est bien de Clémentine Mélois

Écrivain

Qui est donc cet homme sur la couverture bleue du nouveau livre de Clémentine Mélois ? Et quel est ce bleu qui déteint de la couverture sur tout son récit ? Dans les yeux de la femme d’une vie. Sur le bleu de travail d’un bon sculpteur. Et sur le cercueil que le mort s’était lui-même choisi. Cet homme, c’est son père et ce bleu, à l’image du bonheur exemplaire et inaltérable, omniprésent dans sa vie et rayonnant pour celles qui l’ont partagée.

Il y a plusieurs façons d’être attiré par un livre. Par la couverture, avec ou sans image. Ici, il y a une image. Elle est d’un coloris bleu pâle, un peu comme les photographies sur plaques de verre de Sergueï Mikhaïlovitch Prokoudine-Gorski, au début du XXe siècle. Peut-être la neige est-elle pour quelque chose dans ce sentiment, même si Prokoudine-Gorski a pris aussi des grandes meules de foin et des petits kremlins l’été. Sur la couverture du livre, au premier plan, un homme tire sur la neige une luge, et, sur la luge, il y a une petite fille.

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Par la quatrième de couverture, bien sûr, et celle-ci commence très bien, par un paragraphe de quatre lignes qui se révèle être l’incipit du livre : « Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j’ai peur que les souvenirs s’en aillent avec elle, comme un rêve qui s’échappe au réveil et qu’on ne peut retenir. Avec ce bleu, j’ai peint le cercueil de Papa. »

À cette aune, le titre paraît de bon augure. Alors c’est bien. On verra que ce sont à la fois les quatre derniers mots prononcés par le père et les quatre derniers mots du livre. On verra aussi que Clémentine Mélois a fait ce qu’elle a dit qu’elle ferait. Elle n’a pas attendu, elle a écrit sans tarder cette histoire. C’était à l’évidence une excellente décision.

Dès la première page, nous nous retrouvons à la campagne, à la limite de l’Aisne et de l’Oise, chez un marchand de couleurs d’aujourd’hui. L’idée est d’offrir à son père « un enterrement de pharaon ». Et, malgré la distance considérable entre les Hauts-de-France et la Haute-Égypte, ou grâce à cette distance, on a le sentiment immédiat qu’elle va réussir son pari.

Aussitôt, on entre de plain-pied dans ce que la narratrice appelle le « showroom » des pompes funèbres, qui fait penser à un showroom de concession automobile, et c’est vrai que, sous un certain angle, il s’agit bien de choisir un véhicule, le dernier. Dans un dé


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

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