Photographie

Rêverie pictorialiste – sur l’exposition « Céline Laguarde, photographe »

Ecrivain et essayiste

À la recherche d’une œuvre perdue, l’exposition du musée d’Orsay dédiée à Céline Laguarde révèle, après un siècle d’oubli, la grâce de son travail méconnu, du pictorialisme à la photographie scientifique d’insectes. Une plongée dans la rêverie fin de siècle à travers le regard d’une artiste femme, provinciale, et « amateur », bien que son travail dépasse, et de beaucoup, le divertissement.

Céline Laguarde, photographe. Voilà tout le titre, laconique, de l’exposition (et du somptueux catalogue) consacrée à une femme photographe, tirée de l’oubli par l’enquête policière, menée depuis 2013 en France, en Suisse, par Thomas Galifot, le conservateur en charge de la photographie du musée d’Orsay.

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Cette lente sortie d’amnésie fait découvrir, après un siècle, près de cent trente épreuves originales de cette artiste, élève de Robert Demachy, le chef de file de l’école pictorialiste française. Qui ne serait ému à la vue de ces images, d’une beauté parfois hypnotique, aux esthétiques évanescentes, semblant sortir, à raison des tirages pigmentaires caractéristiques du pictorialisme, d’une sorte de brume poétique ?

Entrant dans la pénombre des salles où les œuvres, fragiles, sont déployées, le visiteur entre dans un de ces corridors du temps que parfois une exposition réussit à ouvrir. À la recherche de l’œuvre perdue, c’est toute l’atmosphère de la Belle-Époque, rêveuse, mélancolique, parfumée, qui enveloppe la présentation… C’est que les photographies présentées respirent la rêverie fin-de-siècle, avec ses fleurs aux parfums capiteux, ses cimetières lumineux, ses jeunes femmes aux chevelures de rivière, ces arbres féeriques, ces hommes illustres aux barbes démesurées…

La trajectoire de cette femme surprend toutefois : en trente ans, elle passe avec une égale virtuosité de la photographie pictorialiste – qui est comme un art à la puissance deux (puisqu’elle se rêve dessin, gravure, ou peinture) – à la photographie scientifique d’insectes. Les œuvres de Céline Laguarde seront publiées dans les meilleures revues d’art comme dans les livres les plus sérieux d’entomologie. D’une fabrique élaborée des images à l’observation documentaire des insectes, dont le développement (comme la photographie) suppose un lent processus – larve, chrysalide, déploiement – pour parvenir au stade final, à ce qu’on appelle « l’imago », cette femme fait le grand écart… Quel meill


Thierry Grillet

Ecrivain et essayiste