Cinéma

Mais qui est un parfait inconnu ? et pourquoi ? – sur Un parfait inconnu de James Mangold

Journaliste

Le nouveau film de James Mangold consacré au début de la carrière de Bob Dylan, interprété par Timothée Chalamet, sort aujourd’hui. S’il joue avec le récit légendaire du tournant dans la musique populaire qui se serait produit au début des années 1960 aux États-Unis, sa force est de questionner les schémas simplistes qui évacuent certaines des principales dimensions politiques et historiques de l’époque.

Au coin d’une rue du West Village, à Manhattan, le jeune type a acheté un sifflet à un marchand ambulant. Intrigué, le marchand lui a demandé s’il avait des enfants : « Oui, j’en ai des centaines de milliers », a répondu le jeune gars. Contre une grande partie de ces « enfants », mais avec pour effet d’en avoir désormais des dizaines de millions, le sifflet va devenir une arme de combat dans le conflit qui va cristalliser un basculement historique. C’est lui qu’interroge, tout autant qu’il le raconte, le film de James Mangold qui sort sur les écrans français le 29 janvier.

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Si biopic signifie « film qui raconte la vie d’une personne célèbre », Un parfait inconnu n’est pas le biopic de Bob Dylan. Concernant précisément la période qui va de janvier 1961, date de l’arrivée du chanteur à New York, à juillet 1965, date du concert du Newport Folk Festival où il impose plusieurs morceaux électrifiés à un public massivement acquis à la musique acoustique, le film construit, avec une grande attention aux événements qui se sont alors produits, un ensemble de questions très contemporaines, qui font une grande part de l’intérêt de cette production.

Il est très regrettable qu’une démagogie bas du front ait transformé la judicieuse question de l’auteur de cinéma en caricature réactionnaire. Le cas de James Mangold aurait pu et dû aider à en parler autrement que comme une manière d’attaquer les formes les plus inventives du cinéma au cours de son histoire. Mangold est, en effet, un très bon réalisateur, signataire de nombreuses réussites, de l’indépendant Copland à la superproduction Marvel Logan, en passant par le biopic (pour de vrai cette fois) de Johnny Cash, Walk the Line, et le remake du classique du western 3 h 10 pour Yuma. Coscénariste du film, Mangold n’est pas un simple exécutant du projet, il y est clairement impliqué, mais ce n’est à aucun moment sa mise en scène qui contribue à faire de son treizième long métrage la stimulante mise en question d’un certain n


[1] Ce film de 2007 explore les traces plus ou moins apparentes, dans les paysages américains, de nombreux épisodes de luttes sociales et d’émancipation ou de résistances à l’oppression, épisodes marquants d’une histoire des Amérindiens, des Noirs, des Chicanos, des syndicalistes ouvriers et invisibilisés par l’historiographie officielle, et plus encore par la reconstruction mythifiée du passé des États-Unis par la culture populaire, notamment hollywoodienne.

Jean-Michel Frodon

Journaliste, Critique de cinéma et professeur associé à Sciences Po

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] Ce film de 2007 explore les traces plus ou moins apparentes, dans les paysages américains, de nombreux épisodes de luttes sociales et d’émancipation ou de résistances à l’oppression, épisodes marquants d’une histoire des Amérindiens, des Noirs, des Chicanos, des syndicalistes ouvriers et invisibilisés par l’historiographie officielle, et plus encore par la reconstruction mythifiée du passé des États-Unis par la culture populaire, notamment hollywoodienne.