Par ici les embrouilles – sur Bristol de Jean Echenoz
Comme la plupart des livres de Jean Echenoz, Bristol démarre sur les chapeaux de roues. Point de tralala introductif discret, travail d’approche en fade in, ça part direct en trombe, aérodynamiquement : moteur hybride, silencieux, pour tout dire tranquille et guilleret. Comme si de rien n’était.

Le détonateur – comme disent les rhétoriciens – qui fait démarrer Bristol est Bristol lui-même. À tel point qu’il est le tout premier mot du livre. Dont il est également le titre. Personnage, incipit, titre, on se dit qu’il va falloir l’avoir à l’œil, ce Bristol, parce que voilà qui fait beaucoup pour un seul nom. Bristol, que l’on a pourtant failli perdre dès la première phrase en raison de la chute inopinée d’un corps « tombé de haut » pas trop loin d’icelui. En plus de quoi, le corps chu appartient à un homme nu comme un ver, ce qui n’arrange rien quant à l’élucidation de son identité, de ses motivations, des circonstances qui l’ont amené à s’écraser rue des Eaux, Paris seizième, à la vitesse approchant, quand tout va bien, les deux cents kilomètres par heure. Mais Bristol ne voit ni n’entend rien, absorbé dans ses pensées dont on est à peu près certain qu’elles ne sont pas étrangères à l’intrigue qui vient de commencer.
Nu comme un ver, par conséquent dépourvu de tout papier d’identité, le chu installe immédiatement une copieuse énigme, laquelle, en réalité, en est plusieurs : qui tombe ? pourquoi tombe-t-il ? pourquoi là ? pourquoi nu ? pourquoi maintenant ? et même, pourquoi diable une chute de corps à côté de monsieur Bristol qui « vient de sortir de son immeuble » ? Brouillard si total qu’on se doute qu’il a son importance, comme dans tout bon polar bien ficelé dont Echenoz a toujours assumé la filiation – et le rebricolage. On sait qu’on ne sait pas ce qu’on finira par savoir. On sait qu’on le saura. On sait aussi que notre jouissance de lecteur vient de ne pas savoir. Jusqu’au moment où l’on saura. Une fois que la littérature sera passée par là. Double jo