Littérature

Une ménagerie poétique – sur Un beau masque prend l’air de Suzanne Doppelt

Enseignant-chercheur en poésie contemporaine

Interroger le regard animal à l’ère du Capitalocène devient un geste politique majeur, une invitation à se confronter à l’altérité et à repenser les frontières incertaines entre humains et animaux. À travers une traversée dans l’écologie des images, Suzanne Doppelt nous rappelle que « l’art commence sans doute avec l’animal ».

Une araignée à Vianden, un éléphant sous l’ombre d’un arbre, une mouche quasi invisible posée sur la basque d’un pourpoint, un lézard surgissant d’un bouquet de fleurs, ou encore un lion dans un cabinet d’étude italien : telles sont les créatures peuplant la riche ménagerie poétique de Suzanne Doppelt, où « les mondes sont tous faits comme les formes diverses de l’animal ».

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À travers dix-sept tableaux classiques – des grottes préhistoriques aux œuvres du Tintoret, de Brueghel l’Ancien, en passant par Dürer, Hokusai ou encore Georges de La Tour –, Un beau masque prend l’air peut se lire à la fois comme un petit traité d’histoire de l’art, une rêverie autour de l’expérience animale, ou encore une enquête sur ce que le biologiste Jakob von Uexküll appelait les « mondes animaux ». Interroger le regard animal à l’ère du Capitalocène devient un geste politique majeur, une invitation à se confronter à l’altérité et à repenser les frontières incertaines entre humains et animaux. À travers une traversée dans l’écologie des images, Doppelt nous rappelle que « l’art commence sans doute avec l’animal ».

Initialement conçu comme un ensemble de textes commandés par diverses revues et réassemblés dans ce volume, Un beau masque prend l’air se compose de dix-sept chapitres dont les tableaux sont reproduits en vignettes à la fin du livre. Véritable « musée portatif », à disposition, activable, l’ouvrage repose sur un principe de « collection » plutôt qu’une « classification » : une organisation horizontale, hétérogène, non linéaire, qui rejette toute verticalité et permet de passer d’un tableau – d’une intrigue, d’un style ou d’une période – à l’autre selon une logique du « voisinage » où Longhi appelle Dürer.

Par sa méthode et son approche, ce livre s’inscrit dans un tournant critique relativement récent et encore peu connu du grand public – la « zoopoétique » (Anne Simon) – qui examine comment les animaux et les relations humain-animal sont représentés dans les œuvres pou


Jeff Barda

Enseignant-chercheur en poésie contemporaine, Lecturer en études culturelles françaises à l'Université de Manchester

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