Cinéma

Parier burlesque – sur Aimer Perdre de Lenny et Harpo Guit

Critique

Potache, régressive, cracra, endiablée et gentiment amorale, Aimer Perdre est une « comédie de la lose » conjuguée au « féminin fraternel » (une héroïne filmée par deux frères, en toute complicité) qu’a priori, il semblerait vain d’analyser trop sérieusement. Or, si le film n’est pas toujours de tout repos à regarder, il renoue avec l’essence du burlesque primitif : un comique du corps – jusque dans sa trivialité – qui dérive vers une pure poétique de l’inadaptation au monde.

Par quoi sont attirés les enfants ? Par le jeu, par les couleurs, par l’aventure mais aussi par le dégoûtant. En cela, Aimer Perdre de Lenny et Harpo Guit est un film baigné d’enfance. Joueuse, bariolée, aventureuse, mais titillant aussi le répugnant, voici une surprenante « comédie de la galère », très efficace dans ses effets comiques, même si parfois éprouvante à regarder. Voilà un cinéma viscéral qui attaque directement ses spectateurs et spectatrices.

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Au moment d’écrire sur le film, deux images me viennent en tête. La première, c’est celle d’un gros plan sur une boule de cheveux sortis de la bonde de la douche, qui m’a fait sursauter sur mon siège plus efficacement que tous les « jumpscares » du cinéma d’horreur contemporain. La deuxième, c’est à la fin du prégénérique. Trois modélistes aériens tournant sur eux-mêmes pour faire voler leurs appareils dans une compétition de vol circulaire. Trois hommes enlacés, pivotant comme des derviches ou des lanceurs de poids prenant leur élan à l’infini… à moins qu’il ne s’agisse d’une involontaire chorégraphie « à la Monty Python »[1]. On n’avait jamais vu une image d’une poésie si aérienne tout en étant parfaitement documentaire. À elle seule, elle trace une ligne de crête, entre hyperréalisme et surréalisme, que le film ne va cesser d’explorer.

Commencer la critique d’un film en n’en rapportant que quelques images éparses n’est sans doute pas la façon la plus rigoureuse d’opérer, mais Aimer Perdre fonctionne avec ce goût du collage et du fragment, voguant continuellement entre crasse et évanescence. Sous le double regard des frères Guit, l’agression visuelle et l’invention visuelle se renvoient continuellement la balle. Avant leur premier long Fils de Plouc (2021), Lenny et Harpo Guit (prénoms hommages à Lenny Bruce et Harpo Marx ?) se sont fait connaître avec leur chaîne Youtube Clubb Guitos, d’où cette propension à l’art de la vignette. Mais dans une forme longue, ces agglomérations génèrent un étrange crépi


[1] Ce type de mouvement étant difficile à décrire, vous pouvez en avoir une idée grâce à cette vidéo (à partir de 1min49)

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Notes

[1] Ce type de mouvement étant difficile à décrire, vous pouvez en avoir une idée grâce à cette vidéo (à partir de 1min49)