Les murs ont des oreilles – sur Je suis ma liberté de Nasser Abu Srour
« D’acier, de ciment et d’amour / Écrit des geôles d’une terre sainte /
D’une terre suspendue entre deux récits / Condamné à écrire / Né à Bethléem et condamné »
Je suis ma liberté est un livre exceptionnel à bien des égards, notamment à cause de la personnalité de l’auteur, Nasser Abu Srour. De lui, il est impossible d’en savoir beaucoup plus que ce qu’annoncent ses éditeurs. Il a été arrêté en 1993, à la fin de la première intifada, parce qu’il aurait participé au meurtre d’un officier israélien, et il survit en prison, loin de la rumeur du monde, mais en son cœur, puisqu’il pourrait être échangé contre un des otages détenus par le Hamas depuis le 7 octobre 2023.

Condamné à la perpétuité, il lit, écrit, rêve, médite : Je suis ma liberté est le fruit de ces exercices intérieurs. C’est une réflexion autobiographique enroulée dans une prose qui stupéfie, peut-être l’unique témoignage de cet homme. On ne le lit pas comme un roman, c’est une évidence.
Le livre commence par un avertissement intitulé « Ainsi parlait le mur ». Enfermé depuis vingt-six ans, Nasser Abu Srour place la totalité de son récit, « fini le vendredi 6 juillet 2019 à 1h28 (prison de Hadarim, cellule 33) », sous la protection paradoxale des murs. Mais il fait plus, il se dissocie et affirme que l’histoire qu’il écrit n’est pas la sienne mais celle d’un mur, qu’il en est le porte-parole, et l’inverse, que les parois de ses cellules successives sont sa voix à lui. La réalité du mur, et son image, reviennent sans cesse dans le livre. C’est un des étais qui le fait tenir. Le mur n’a pas de sens si l’on ne voit pas au-delà, il n’en a pas non plus si on l’oublie entièrement ; il a même l’avantage de vous obliger à prendre position, à s’y agripper ou à se laisser glisser, à s’attacher ou à renoncer.
Le récit a beau déployer une éthique du mur qui peut donner le tournis, il suit un fil chronologique parfaitement clair. Car Je suis ma liberté est aussi, très simplement, une autobiographie, mais, fau