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Les bons, les bêtes et l’adolescent – sur Adolescence

Sociologue

La série Adolescence diffusée sur Netflix est un succès d’audience et a bénéficié d’une large et enthousiaste couverture médiatique, si bien qu’elle sera diffusée dans toutes les écoles secondaires britanniques. Elle adopte pourtant un point de vue centré sur l’expérience et les émotions des adultes. Sous couvert d’une dénonciation de la montée de la misogynie chez les adolescents, les auteurs de la série délivrent un message patriarcal teinté d’adult gaze.

Le 31 mars dernier paraissait dans le journal Le Temps un article intitulé « Keir Starmer applique son idée, « Adolescence » sera montrée dans les écoles britanniques » qui énonçait : « Joli coup pour Netflix. La minisérie Adolescence, qui aborde le sujet des influences toxiques et misogynes auxquelles sont exposés les jeunes en ligne et suscite un débat de société au Royaume-Uni, va être diffusée gratuitement dans les collèges et lycées du pays ».

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« Joli coup » commercial pour la plateforme de streaming en effet, et pour les sociétés de production qui l’ont financée, dont Plan B Entertainment possédée par Brad Pitt. Selon Downing Street donc, cette série doit être visionnée par tous les élèves du secondaire au Royaume-Uni. Il semble par conséquent intéressant de procéder à une analyse critique de son propos, plus spécifiquement de la nature et de la distribution des différents rôles sociaux.

La série se déroule sur 4 épisodes d’une heure et met en scène les jours qui succèdent le meurtre de Katie, une adolescente assassinée à coups de couteaux par un camarade d’école, Jamie, 13 ans. Le premier épisode montre l’arrestation de Jamie à son domicile, sa mise en garde à vue et l’interrogatoire policier, qui le confond. Le deuxième épisode se déroule dans le collège de Jamie et Katie, où les policiers interrogent des élèves dans le but de retrouver l’arme du crime. Le troisième épisode met en scène l’entretien entre Jamie et une psychologue chargée de rédiger un rapport sur les causes de son acte, au bénéfice de la défense. Enfin, le quatrième et dernier épisode se déroule au sein de la cellule familiale où le père, la mère et la sœur de Jamie tentent de continuer à faire famille, et dans lequel les parents se demandent où ils ont péché, ayant fabriqué à la fois un meurtrier (« we made him ») et une adolescente gentille et sans histoire.

Il y a deux héros dans cette histoire, le (bon) flic et le (bon) père de famille. En effet, si Jamie est le personnage princi


[1] Claire Balleys, MarcTadorian & Annamaria Colombo, « Regimes of Self-Presentation and Digital Street Credibility: How Urban Youth Negotiate Online and Offline Visibility ». Int J Sociol Leis 8, 2025, p. 63–88 ; Claire Balleys, Annamaria Colombo & Marianna Colella, « « C’est gênant ». Les conventions juvéniles de mise en visibilité de soi dans les espaces urbains et numériques ». Ethnologie Française (parution juillet 2025)

Claire Balleys

Sociologue, Professeure à la Faculté des sciences de la société de l'Université de Genève et directrice de Medialab, Institut des sciences de la communication et des cultures numériques

Notes

[1] Claire Balleys, MarcTadorian & Annamaria Colombo, « Regimes of Self-Presentation and Digital Street Credibility: How Urban Youth Negotiate Online and Offline Visibility ». Int J Sociol Leis 8, 2025, p. 63–88 ; Claire Balleys, Annamaria Colombo & Marianna Colella, « « C’est gênant ». Les conventions juvéniles de mise en visibilité de soi dans les espaces urbains et numériques ». Ethnologie Française (parution juillet 2025)