Cinéma

Le Festival de Cannes 2025 ou le paradoxe de la Croisette

Journaliste

Retour critique sur ce qui a été montré au cours de la 78e édition du Festival de Cannes : sélections riches en découvertes et palmarès quasi-irréprochable, mais aussi sur la manière dont cette fête réussie de l’art du cinéma s’est inscrite dans le réalité contemporaine.

Il est impossible de sortir de la contradiction entre le déroulement de cette 78e édition du Festival de Cannes, et le contexte dans lequel elle a eu lieu. Le déroulement, on se risquera à affirmer qu’il a été très proche de ce qu’on peut attendre de mieux d’une telle manifestation. Le contexte, l’état du monde, inutile d’épiloguer. Mais il est possible que cette contradiction, de toute façon inévitable, se soit avérée cette année, à son échelle qui ne faut pas surestimer, un bienfait.

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Sélection officielle et palmarès

Cela avait commencé avec l’annonce des membres du jury de la compétition officielle[1], assemblée d’une diversité exemplaire, dont les membres incarnaient d’emblée, par leur œuvre, à la fois une multiplicité d’idées du cinéma et une exigence quant à ses possibilités, bien loin de l’habituelle surreprésentation de vedettes glamour, choisies pour leur éclat sur le tapis rouge. Et cela s’est terminé avec un palmarès proche de la perfection[2], comme Cannes en a rarement connu. Chacune et chacun pourra déplacer à sa guise l’attribution de tel prix à tel film, ceux qui figurent au palmarès témoignent ensemble d’une excellence de la créativité cinématographique mondiale impressionnante.

Ces films viennent d’Iran, de Norvège, d’Espagne (et surtout du Maroc), d’Allemagne, du Brésil, de Belgique, de France et de Chine. Aucun ne peut se réduire à son sujet. Interrogation sur les effets délétères dans toute la société d’une dictature (et pas uniquement dénonciation de celle-ci en tant que telle) avec Un simple accident et L’Agent secret, questionnement de l’articulation entre investissements affectifs individuels, impératifs de l’environnement social et dispositifs de la collectivité (Jeunes Mères et La Petite Dernière), télescopage furieux des catastrophes politiques et écologiques avec les solitudes personnelles et les quêtes solipsistes de radicalité (Sirat), capacités et limites d’un art, le cinéma, à prendre en charge les crises et les zones d’ombr


[1] Le jury, présidé par Juliette Binoche, était composé de l’actrice et cinéaste américaine Halle Berry, de la réalisatrice et scénariste indienne Payal Kapadia, de l’actrice italienne Alba Rohrwacher, de l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, du réalisateur, documentariste et producteur congolais Dieudo Hamadi, du réalisateur et scénariste coréen Hong Sang-soo, du réalisateur, scénariste et producteur mexicain Carlos Reygadas et de l’acteur américain Jeremy Strong.

[2] Palme d’or à Jafar Panahi pour Un simple accident, Grand prix à Joachim Trier pour Valeur sentimentale, Prix du jury ex-aequo à Oliver Laxe pour Sirat et à Mascha Schlisky pour Sound of Falling, Prix de la mise en scène Kleber Mendoça Filho pour L’Agent secret, Prix du scénario à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Jeunes mères, prix d’interprétation féminine à Nadia Melliti  dans La Petite Dernière de Hafsia Herzi, prix d’interprétation masculine à Wagner Moura dans L’Agent secret, Pris spécial à Resurrection de Bi Gan.

[3] Lire Nadav Lapid : « Ce film a été tourné comme dans un pays ennemi »

Jean-Michel Frodon

Journaliste, Critique de cinéma et professeur associé à Sciences Po

Notes

[1] Le jury, présidé par Juliette Binoche, était composé de l’actrice et cinéaste américaine Halle Berry, de la réalisatrice et scénariste indienne Payal Kapadia, de l’actrice italienne Alba Rohrwacher, de l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, du réalisateur, documentariste et producteur congolais Dieudo Hamadi, du réalisateur et scénariste coréen Hong Sang-soo, du réalisateur, scénariste et producteur mexicain Carlos Reygadas et de l’acteur américain Jeremy Strong.

[2] Palme d’or à Jafar Panahi pour Un simple accident, Grand prix à Joachim Trier pour Valeur sentimentale, Prix du jury ex-aequo à Oliver Laxe pour Sirat et à Mascha Schlisky pour Sound of Falling, Prix de la mise en scène Kleber Mendoça Filho pour L’Agent secret, Prix du scénario à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Jeunes mères, prix d’interprétation féminine à Nadia Melliti  dans La Petite Dernière de Hafsia Herzi, prix d’interprétation masculine à Wagner Moura dans L’Agent secret, Pris spécial à Resurrection de Bi Gan.

[3] Lire Nadav Lapid : « Ce film a été tourné comme dans un pays ennemi »