Art contemporain

Clones, cosmos et compteurs Geiger – sur les expositions de Chang Yung-Ta et Li Yi-Fan

Critique

À l’IAC de Villeurbanne, deux expositions solo, deux artistes taïwanais, deux façons de travailler les flux invisibles – ceux du cosmos et du numérique. Entre installation sonore sensorielle et dystopie vidéo, sans dialogue explicite mais avec des résonances troublantes, les œuvres de Chang Yung-Ta et Li Yi-Fan interrogent nos corps, nos données et notre mémoire.

Renseignement pris auprès d’un ami journaliste, ancien correspondant en Chine, ce n’est jamais si simple que l’on croit. Être (un·e artiste) taïwanais ne signifie pas, comme on pourrait le supposer vu de France, penser forcément à la menace chinoise continentale.

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D’autant que la « menace » ne s’y conçoit évidemment pas dans les mêmes termes que pour nous. Encore moins pour les artistes dont la Chine est le premier marché potentiel. Ainsi aurait-on tort de lire dans le titre « Dernier avertissement » de l’exposition de Li Yi-Fan (né en 1989) une référence directe à « l’invasion » toujours en instance de Taïwan par la Chine. De même, on ne verra dans « Échos du silence » de Chang Yung-Ta aucune allusion cryptique de la part de cet artiste né en 1981 à Taïwan et qui « vit et travaille à Beijing », comme l’indiquait en 2021-2022 le dossier de presse de l’exposition « Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète » au centre Pompidou-Metz (version aménagée de la 12e Biennale de Taipei).

Par exemple, il est beaucoup question de data chez Chang Yung-Ta, qui en fait son matériau premier (c’est son « silence »), un peu moins et de façon très ironique dans les vidéos de Li Yi-Fan. Mais on ne trouvera pas, du moins pas de premier abord, une réflexion sur leur usage guerrier et la façon dont elles reconfigurent le monde politique comme on le voit chez la star allemande Hito Steyerl (dont la vidéo Mechanical Kurds, 2025, est actuellement présentée au Jeu de Paume à Paris dans le cadre de l’exposition « Le monde selon l’IA »). La raison en est peut-être, comme le suggère un des personnages de Li Yi-Fan, qu’on « peut dire ce qu’on veut mais pas comme on veut ».

Les commissaires Sarah Caillet (IAC) et Martin Guinard (Luma, curateur de « Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète ») ont choisi de couper le bâtiment de l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne en deux espaces étanches, jouant sur l’opposition entre les deux artistes, l’un maximaliste (Li), l’autre pl


(1) Joseph Needham, La tradition scientifique chinoise, Hermann, 1974

(2) Yuan Qu, Li Sao, Jiu Ge et Tian Wen, trad. Jean-François Rollin, La Différence, 1990.

Éric Loret

Critique, Journaliste

Rayonnages

Arts visuels Culture

Notes

(1) Joseph Needham, La tradition scientifique chinoise, Hermann, 1974

(2) Yuan Qu, Li Sao, Jiu Ge et Tian Wen, trad. Jean-François Rollin, La Différence, 1990.