Art contemporain

Désassignée – sur « Clemen Parrocchetti : Dévorer la vie »

Historienne de l’art

« Ils disent que c’est de l’amour, nous disons que c’est du travail non payé », écrit la philosophe Silvia Federici à propos du travail domestique imposé aux femmes – au prétexte qu’il serait un attribut naturel de leur personnalité. C’est cette assignation qu’entend dénoncer Clemen Parrocchetti, militante aux côtés des féministes marxistes italiennes et artiste-plasticienne, dont l’œuvre résolument contestataire mais jamais univoque est pour la première fois mise à l’honneur à la FRAC Lorraine.

Le FRAC Lorraine met à l’honneur ce printemps une artiste italienne, Clemen Parrocchetti (1923-2016). Méconnue en France, cette dernière a développé à partir des années 1950 un travail singulier, tant de manière individuelle qu’en agissant au sein d’un collectif de femmes artistes d’inspiration marxiste, « Immagine », à la fin des années 1970.

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L’exposition messine se concentre essentiellement sur la production de l’artiste à partir des années 1970 : Parrocchetti approche alors la cinquantaine, elle est conjointement une jeune créatrice et une militante décidée, nourrie des théories féministes, engagée sur les questions liées à l’avortement et au salaire domestique.

Mais revenons un peu à la genèse de l’exposition : tentez de taper le nom de Clemen Parrocchetti dans un moteur de recherches bibliographiques français, vous récolterez une belle page blanche. Tout au plus est-elle présente dans l’ouvrage The Unexpected Subject – 1978 Art and Feminism in Italy, (2019), dans lequel un court texte de Caterina Iaquinta lui est dédié. Ses œuvres ne sont pas dans les collections publiques françaises, ni représentées par une galerie hexagonale, ou acquises par une collection privée sur le territoire ; il faut donc reconnaître à Fanny Gonella, la directrice du FRAC, un peu de ténacité pour avoir réussi à faire venir un ensemble conséquent d’œuvres, permettant de cerner au mieux le travail de Clemen Parrocchetti sur une quarantaine d’années.

Pour autant, méfions-nous de termes réducteurs, peut-être même condescendants, et de crier à la « découverte », à la « révélation », au « dévoilement » d’une artiste « cachée ». Parrocchetti a été connue de son vivant, a exposé – essentiellement en Italie – et des vitrines d’archives en témoignent, avec des catalogues, brochures, photographies, textes. Une part encore non éditée de travail d’écriture de l’artiste est à défricher ; ses journaux, notamment, sont en train d’être retranscrits par sa famille. Parrocchetti s’est visibleme


Camille Paulhan

Historienne de l’art, Professeure à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon