Critique

En Allemagne, Katja Petrowskaja est une femme de lettres reconnue, qui affectionne les textes courts, rassemblés ensuite en livre. Elle est née à Kiev en 1970, et elle a grandi dans une famille de professeurs, en Ukraine, au temps soviétique et féroce, quand les livres et les artefacts culturels avaient une exceptionnelle valeur de survie et permettaient d’assouvir le goût des autres et du monde. Ses études l’ont menée à en Estonie, aux États-Unis et à Moscou. Sa vie personnelle l’a menée en Allemagne, où elle vit et écrit depuis 1999.

En 2015, après l’invasion de la Crimée par la Russie, début de la guerre en Ukraine, la Frankfurter Allgemeine Zeitung lui a proposé de choisir une photo et de la commenter, au rythme d’une fois toutes les trois semaines, jusqu’en 2021. Les éditions Suhrkamp ont réuni textes et images pour les publier en livre en 2022. Les éditions Macula viennent de traduire ce bréviaire visuel que l’on peut lire par morceaux, mais qui gagnent à être lus en suivi. La continuité fait valoir la réflexion, la contemplation, la remontée à la surface du souvenir, et l’inaperçu, ou l’invisible, qui se fait jour.

Katja Petrowskaja n’est pas entièrement inconnue en France. Il y a dix ans, en 2015, le Seuil a fait traduire et paraître Peut-être Esther, un récit familial dont la fragmentation reproduit celle de l’histoire d’une famille juive traquée, arrêtée, déportée et en grande partie éliminée. Hélas, le livre n’a pas été repris dans une édition poche. Nous-mêmes, nous avions été frappée par un témoignage de Katja Petrowskaja appelé « Mille et un livres », publié dans un recueil intitulé Pourquoi Lire (éditions Premier Parallèle). Le prix et le pouvoir de la lecture y étaient à la fois analysés, décrits et souvenus en des termes impossibles à trouver sous une plume ayant grandi dans un pays libre. « Tout ce qu’on lisait, à cette époque, passait sans détour dans le sang » écrivait-elle.

Les images passent-elles aussi immédiatement dans le sang ? Sû