Et ego in Berghainia – sur « Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait » de Wolfgang Tillmans
Ici, sous le panneau désaffecté « Politique », c’est le data center, le travail : le tapis industriel du Centre Pompidou révèle d’antiques bandes violettes cachées sous des meubles envolés. Une tapisserie de pixels au mur. D’après le livret de visite, nous sommes en zone « Dissémination de l’information ». Là-bas, au fond, il y a l’océan, une écume qui va et vient en vidéo. Derrière nous, plusieurs ciels scotchés sur un bord de mur ou accrochés en grand sur un pan. Des gouttes d’eau sonores tombent via six haut-parleurs suspendus au plafond. Il y en a aussi, capturées, sur des paysages géants de pluie.

On est à peu près au milieu des 6000 m² vidés de la BPI. Mais on pourrait se tenir ailleurs, dans une autre plage, et le point de vue serait différent quoique organisé semblablement. On dirait une immense mémoire (la nôtre) respirant lentement : des images remontent à la surface, d’autres s’éloignent, coulissent, mutent depuis quarante ans qu’on fréquente Wolfgang Tillmans. Un tirage grand format vu au centre Wiels de Bruxelles (2020) est devenu une apostille ; un écho aperçu entre deux photos à sa galerie de Berlin, Buchholz, se trouve diffracté dans d’autres significations. C’est le même principe qu’à chaque fois : les jets d’encre sont accrochés par des pinces, comme au sortir du bac à fixatif dans un laboratoire photo.
Bien sûr, il y a aussi des caissons, des tables, des formats carte postale tenus avec du ruban adhésif, on l’a dit, qui obligent à se rapprocher et à reconfigurer différemment toute notre appréhension du lieu et des rapports entre les images. Donc c’est à chaque fois une installation bien plus qu’une exposition, un dispositif qui engage les visiteur·ices, et qui convient aux espaces en friche mais pas trop (rien qui porte les stigmates de la ruine). Peut-être que c’est l’imaginaire du « conteneur intermodal », baleine chambre-à-soi échouée nulle part et itinérante, où la·e hacker-artiviste allemand·e (on en connaît) mène ses recherches pou