Critique

Parler du livre dont tout le monde parle ne va pas de soi. Je vais essayer de le faire ici, en précisant d’abord, et ce n’est pas anodin, que je ne connais pas son auteur, Nicolas Demorand, sinon pour l’avoir entendu, comme tout le monde, ou en tout cas plusieurs millions de personnes, à la radio, le matin. Je ne le connais pas et je n’ai pas vraiment d’opinion à son sujet, je dois l’avouer, car j’ai pris l’habitude en vieillissant d’écouter plutôt une autre station du service public, le matin : France Musique, pour tout dire, où j’aime la douceur un peu feutrée, presque désuète, de la voix de Jean-Baptiste Urbain, le bien nommé… mais ceci n’est franchement pas le sujet.

Pour être tout à fait honnête, je dois dire cependant qu’il m’est déjà arrivé de parler à Nicolas Demorand, il y a bien longtemps, lorsqu’il animait la matinale de France Culture, et que j’écrivais pour Les Inrockuptibles, où nous avions conçu un numéro spécial sur l’Italie de Berlusconi : il m’avait interrogé par téléphone à ce propos, c’était vraiment très tôt, je me souviens de son ton ferme, très assuré, à l’autre bout du fil, et que j’avais soudain été pris de panique, parce que j’étais dans ma cuisine et que la cafetière s’était mise, en direct, à faire un bruit infernal.

Tout cela est anecdotique, bien sûr, mais si je me permets de l’évoquer au moment d’aborder Intérieur nuit, qui donc fait événement en révélant ce que son auteur appelle sa « maladie mentale », c’est parce que cela traduit quelque chose, je crois, de ma position de lecteur, sans doute partagée de diverses façons par beaucoup de personnes. Alors que j’étais, de fait, dans une situation de fragilité par rapport à une voix qui en impose à un auditoire considérable et représente, qu’on le veuille ou non, une forme de pouvoir (celui de parler et de distribuer la parole, etc.), ce rapport s’inverse soudainement, du fait d’un livre qui dit publiquement, et avec un retentissement extraordinaire, sa fragilité. Que faire alor