Cinéma

Toujours la même note ? – sur L’Accident de piano de Quentin Dupieux

Critique

La production métronomique de Quentin Dupieux inciterait-elle à penser qu’il appuie toujours sur la même note ? L’Accident de piano, farce psychotique sur les affres de la célébrité web, est précisément composé comme une pièce musicale, en trois mouvements et un accident. Le film trouve variations et surprises dans un burlesque sériel, révélateur des paradoxes du cinéaste.

Un antidote à la canicule ? Que diriez-vous, non seulement d’aller vous rafraîchir dans une salle climatisée, mais en plus pour aller y voir un film enneigé ? L’Accident de piano vous promet ce double effet fraîcheur, et même triple ! Puisque indéniablement, son cocktail de potacherie émaciée et d’effroi verglacé jettera un froid.

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Magalie, influenceuse à la mentalité de gamine tyrannique, à l’ego et à la fortune hypertrophiés, vient se ressourcer à la montagne, après une crise (le dit et énigmatique « accident de piano » dont on ne saisira les ressorts qu’à mi-film). Rapidement, la pause professionnelle prend les atours d’un petit théâtre de la cruauté en altitude, réduit à quatre personnages : outre Magalie (Adèle Exarchopoulos), son assistant souffre-douleur (Jérôme Commandeur), une journaliste fouineuse (Sandrine Kiberlain) et un fan hypnotisé (Karim Leklou). Si cette mise en place fait craindre un film qui prendrait de haut ses personnages peu ragoûtants, cette mécanique – un poil cynique, certes – se métamorphosera en cauchemar burlesque et primal, quelque part entre hommage bout de ficelle aux classiques de la terreur enneigée (Shining et Misery) et cartoon amoral.

Du film, on retient surtout la composition d’Adèle Exarchopoulos, peste grandie trop vite, engoncée dans ses fourrures et ses prothèses, exhibant son appareil dentaire, signal d’un sourire-qui-tue, et ponctuant ses phrases d’un rictus, dont on ne sait s’il est une marque d’immaturité ou de sadisme. Le plaisir manifeste pris par l’actrice à rentrer dans la peau d’une telle méchante possède son revers. En face, les trois autres personnages paraissent malheureusement trop fonctionnels. Cela dit, rien que ce personnage de Magalie, « Magaloche », celle dont les fans clament qu’« elle fait du bien là où ça fait mal », porte le film à elle toute seule.

Car étonnamment il s’agit du film de Dupieux le plus ancré dans le monde contemporain. Celui aussi à la construction dramatique la plus rigoureuse


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