Plongeon de survie – sur Rock Bottom de Maria Trénor
Au petit jeu de l’album à emporter sur une île déserte, Rock Bottom de Robert Wyatt, qui fêtera cet été son 51e anniversaire, tient bien la corde. Certes, des albums cultes des années 60-70, on en trouve à la pelle. Mais il y a une raison simple de le préférer : cet album-là est une île. Plus précisément un îlot de survie, d’où l’on peut plonger à loisir dans un océan de musique séraphique et d’incantations poétiques.

Six titres seulement (mais chacun d’une durée conséquente de 6-7 minutes), une voix rocailleuse qui s’extirpe du fond de la gorge, un chant au bord du délitement, une musique tout en nappes de synthétiseurs flottants, chœurs vacillants et échos assourdis des cuivres. Et derrière cette matière sonore, la présence physique d’un Robert Wyatt qui vient d’échapper au pire. À savoir une chute accidentelle depuis le quatrième étage d’un immeuble londonien, accident qui l’a privé de l’usage de ses jambes et surtout rendu inapte à la batterie (son instrument dans les groupes Soft Machine puis Matching Mole).
Si Rock Bottom a été enregistré en convalescence, l’empêchement physique de son auteur l’a obligé à se recentrer sur l’essentiel. Si le rythme ne peut plus venir des percussions, il viendra des modulations des claviers, mais encore plus directement de la voix même de Wyatt et de sa fragilité. Adieu fanfreluches jazz-rock-psyché pour entrer, de plain-pied, dans une oasis de sons et d’ambiances dont lui et sa compagne, muse et ange-gardienne Alfreda Benge, « Alifie », artiste pluridisciplinaire (elle signera toutes ses pochettes d’albums et écrira les paroles des chansons, tirées de poèmes de son cru, à partir de Dondestan en 1991), sont les uniques dépositaires.
L’album n’aurait pu être qu’un chant de douleur, il est un acte radieux d’amour et de renaissance, célébrant le lien vital qui unit deux artistes. Tout y est fragile, tout y est en morceaux, tout y est au bord de la dislocation, tout n’y est que bribes flottantes et pourtant, l’ensemble dég