Le trésor de la fiction retrouvé·e – sur Le Trésor de Ballantrae de Marie Cosnay
C’est au bout de quoi, une soixantaine de pages, que subitement on relève le nez du livre, s’extirpant un instant des rets de la fiction insensée qui s’est mise à jouer les tapis volants sans crier gare – et cela n’est plus si fréquent, hélas, ce sentiment échevelé d’avoir lâché les rails de l’amère réalité pour se retrouver accroché à la trame bondissante et rebondissante d’un objet littéraire non identifié.
On hésite entre l’enthousiasme, ça faisait longtemps, et une étrange forme de révolte : allons bon, une histoire de trésor, de nos jours, franchement… Qui êtes-vous, Marie Cosnay, pour nous embarquer comme ça, autant dire comme on retourne les crêpes, hop ! À croire qu’on ne pèserait plus rien, subitement ?

Qu’est-ce donc qui nous emporte à ce point dans cette enquête qui n’est pas tant un remake du Maître de Ballantrae, de Robert-Louis Stevenson, paru en 1889 et dont on ignorait à peu près tout avant de lire ce Trésor qui en découle, que le fruit du désir enfantin et joueur de l’extirper du silence de la bibliothèque et le secouer jusqu’à en libérer les sortilèges dans la réalité la plus contemporaine, « pour voir » comme on dit au poker ?
Au premier abord, il en résulte un sacré foutoir, tout de même – à moins qu’il ne s’agisse d’un désordre savamment organisé, feignons de le penser ? Reste que le lecteur n’a pas le temps de s’arrêter cueillir une information attendue que dix autres inattendues l’ont déjà bousculé pour l’entraîner ailleurs, et toujours au présent de l’action, bien entendu, qu’on soit au XXIe ou au XVIIIe siècle – c’est l’espace-temps lui-même qui se retrouve sens dessus-dessous quand la bibliothèque déborde dans la réalité comme le lait sur le feu ; est-ce qu’il a jamais existé un seul enfant que ce spectacle réputé affligeant n’ait pas fasciné ? Sans parler de cette valse des pronoms personnels qui devrait donner le tournis, quand la narration passe du « je » au « elle » au « il » et bientôt au « nous », n’aimant rien tant d’ailleu