Bartleby de l’immobilier – sur Je déménage de Noël Herpe
Comme les marteaux-piqueurs ont eu raison de sa tranquillité, Noël Herpe décide presque sur un coup de tête de vendre l’appartement au rez-de-chaussée qu’il habitait jusqu’alors. C’est là le déclencheur d’un désir de s’éloigner d’un lieu où rôdent les fantômes d’un amour perdu : « En l’espace d’une seconde, je prends le parti de déménager. » Le livre prend appui sur ce geste inaugural et sur la nécessité de trouver un autre lieu : c’est là pour ainsi dire une manière de se contraindre à chercher un nouvel espace pour vivre, et de lancer l’écriture d’un texte qui déambule dans Paris, et ailleurs, à la recherche d’une chambre à soi.

Mais rien n’est simple : indécision et hésitation sont de la partie, et le narrateur est un Bartleby de l’immobilier, ne cessant de reculer le moment de trancher. C’est dire que le texte qui s’ouvre sur une rupture inaugurale est une succession de repentirs et de perplexités, d’interrogations et de reculades : « Je ne suis pas homme à passer à l’acte, à prendre des décisions. »
Le récit de Noël Herpe est une chronique, ou une série sinon une variation, pour emprunter un vocabulaire musical qui n’irait pas mal à Je déménage, structuré en presto, lento, vivace, largo et autres coda. Au fil des pages, on accompagne le narrateur visitant appartements sans ordre ni méthode, flânant dans Paris, mais aussi sur internet, sans autre impératif que trouver un espace susceptible d’accueillir sa bibliothèque et d’être hospitalier à son chat, ou inversement : « Ma méthode d’investigation n’est pas rigoureuse. » Sans solution de continuité, l’écrivain voyage numériquement ou à la manière pédestre du flâneur : dans les deux cas, il s’agit de saisir des atmosphères et de se faire déchiffreur des lieux, pour y déceler les signes annonciateurs d’une vie bonne, les indices d’une existence future heureuse : « Je me promène sur Google Maps, dénombrant les restaurants, le temps de marche vers Austerlitz. […] Je scrute, je déchiffre, j’explore des image