Cinéma

Au loin la liberté – sur La Voie du serpent de Kiyoshi Kurosawa

Critique

Après des débuts dans la série B, Kiyoshi Kurosawa a su s’émanciper des contraintes du genre pour élaborer une œuvre dense, mêlant forts parti-pris de mise en scène et réflexions métaphysiques. Le nouveau remake de son propre film La Voie du serpent ne fait pas exception ; sous ses airs de thriller de vengeance, le cinéaste japonais – de retour en France – y interroge la possibilité de notre liberté.

Le premier essai de film français de Kiyoshi Kurosawa, Le Secret de la chambre noire, était un long-métrage particulièrement bizarre, dont on comprend qu’il ait suscité à sa sortie une certaine incompréhension. Est-ce pour se trouver en terrain plus familier que le cinéaste japonais a choisi, pour ce deuxième film français, de remaker un de ses anciens films, l’un des moins connus d’ailleurs, Serpent’s Path ?

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Interrogé sur ce qui a motivé ce remake, il convoquait d’abord une proposition de son producteur, avant d’affirmer que ce film japonais de 1998, film-frère de l’encore plus méconnu Eyes of the spider (tourné presque en même temps avec les mêmes acteurs, la même équipe technique et un scénario similaire) était très marqué par le style de son scénariste, Hiroshi Takahashi, et qu’il souhaitait le refaire « dans son propre style ».

Quelle chance, disons-le, que ce soit la France qui soit devenu le « deuxième pays » de cinéma de Kurosawa. Ça aurait pu être, comme tant d’autres cinéastes de séries B de par le monde, les États-Unis ; cela a failli se faire, il y a une vingtaine d’années, quand Kurosawa était pressenti pour, déjà, réaliser un remake américain de son propre film, en l’occurrence le plus célèbre outre-Atlantique, Kairo. Mais ce n’est pas la terre du « genre » cinématographique, des séries B, qui l’a adopté ; c’est la France, terre cinéphile. Le cadre français, qui faisait trembler Le Secret de la chambre noire, toujours sur le point de basculer dans la catastrophe, est ici l’occasion d’une épure, d’une poussée dans l’abstraction. Aux États-Unis, Kurosawa aurait été génial ; en France, il est unique.

J’avais intitulé le texte écrit en juin de cette année dans ces pages, consacré à Chime et à Cloud, « Esthétique de la chaise vide ». Dans la même veine mais plus franc – et un peu plus cuistre – on pourrait nommer n’importe quel texte sur n’importe lequel de ses films « Poétique de l’espace ». Ce titre, que Bachelard a donné à un essai de phénoméno


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