Littérature

Tours et détours de force – sur Les Forces de Laura Vazquez

Écrivain

Dans son nouveau roman, Laura Vazquez enroule et déroule ses chants poétiques entre bar lesbien où se nichent les mystères de l’écriture, maison des morts drogués aux phrases, ou immeuble à sectes détonnantes. Elle s’aventure toujours plus loin en poésie et offre au lecteur un roman aux mots et au regard décapants, d’apprentissage et de formation au jeu d’écrire.

L’expression s’impose : c’est un remarquable tour de force qui se produit aux alentours de la page 80 de Les Forces, de Laura Vazquez. Voilà que la plupart des réserves qui retenaient le lecteur aux lisières de l’emballement depuis les premières pages s’exposent dans la bouche de l’un des personnages centraux que rencontre la narratrice de ce roman construit (ou éclaté) en étoile à cinq branches et autant de chapitres qui pourraient s’intituler « chants », à chaque fois séparés par une page noire : « Tout le monde ment », « le mystère et la vérité », « La maison des morts », «Les sectes diverses unies… » et « La terre est bonne ».

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Certes, on avait retrouvé d’emblée les images singulièrement sonores et rythmées de Laura Vazquez, poète moult fois primée avant de s’imposer romancière adoubée par les médias avec La Semaine perpétuelle en 2021, traversée des apparences dans un monde cyber-saturé que portait une prose percutante appelant la voix haute et une narration d’une liberté réjouissante dans le paysage ultra-formaté de la librairie contemporaine.

La liberté est de même nature dès les premières pages de Les Forces dont les images donnent l’impression de glisser, et à très vive allure, à la surface de l’existence qui se raconte, maintenant cependant l’attention du lecteur en alerte par le caractère abrupte du propos dont on devine rapidement la profonde cohérence – le lecteur que je suis ayant rapidement trouvé quelques raisons spécifiques de s’en réjouir, par ailleurs, car il en va en somme d’une sorte de reconnaissance d’un certain nombre de credo artistiques : il n’est pas si fréquent de retrouver à l’œuvre des problématiques touchant à l’ignorance collective et à son déni qu’imposent les structures sociales au nom de la raison quand ladite ignorance est à jamais le seul terrain de jeu de l’artiste (« cependant il existe plus de mystères que de connaissances, mais la plupart des personnes font comme s’il n’y avait rien », lit-on dès la quatrième page).


Bertrand Leclair

Écrivain, Critique littéraire

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