Littérature

Le vide : mode d’emploi – sur La Maison vide de Laurent Mauvignier

Écrivain

En cherchant dans les pièces et les tiroirs de sa Maison vide, Laurent Mauvignier écrit un livre qui raconte comment raconter. Le récit, par l’usage délicat et expert de la littérature, incarne son objet plus qu’il ne l’illustre. C’est ainsi que l’on s’immerge à la recherche d’une histoire universelle des destins familiaux, des rapports de pouvoir, de la construction du silence et de la mémoire.

Qu’est-ce que c’est, qu’être écrivain ? L’être vraiment, selon une sorte de vérité essentielle, mais d’après quels critères, au fond ? La question nous est posée aujourd’hui par un livre, La Maison vide, que beaucoup présentent comme le couronnement provisoire d’une œuvre déjà longue, celle de Laurent Mauvignier.

publicité

C’est un roman de 750 pages, dont on pourrait dire qu’il se donne pour absolument littéraire, dans sa forme, son ambition, son sujet même : l’histoire d’une famille sur quatre générations, à partir du cadre précis d’un lieu, la vieille maison du titre, laquelle peut être considérée aussi comme la représentation du livre lui-même… selon un principe jadis poussé à l’extrême (du génie) par Georges Perec, dans La Vie mode d’emploi.

Or, cette maison est vide, et il faut prendre ce vide au sérieux, pour ce qu’il dit peut-être, précisément, de l’ambition et d’une certaine folie de toute entreprise littéraire. Le vide : mode d’emploi ? Pour le formuler autrement, on a l’intuition, en commençant la lecture de ce beau livre (il l’est), que c’est d’abord une sorte de somme indirecte sur le destin d’un écrivain, tel que le rapporte la publication conjointe d’un formidable recueil d’entretiens (réalisés en 2020) avec Pascaline David, Quelque chose d’absent qui me tourmente. 

Laurent Mauvignier y revient sur l’ensemble de son parcours, et l’on trouve parmi ses nombreuses observations – que l’on a souvent envie de noter, pour leur façon d’expliquer avec une précision orgueilleuse, et une lucidité non dénuée d’humour, ce que c’est que de travailler à être écrivain – cette affirmation éclairante : « À chaque fois, je suis dans une maison. Et je n’ai pas réussi à écrire un seul livre qui sorte d’une maison. Même Continuer (roman publié en 2016) n’en sort pas. Vous pouvez enlever les murs, mais à la fin mère et fils sont face à face dans la montagne et vous êtes comme dans une maison. Tout le temps. »

Bien sûr, on peut lire La Maison vide sans se soucier de ces cons


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

Rayonnages

LivresLittérature