Contre la propagande, une voluptueuse propagation – sur Une Bataille après l’autre de Paul Thomas Anderson
Par quel étrange phénomène les œuvres des grands auteurs hollywoodiens de ces dernières années se réfugiaient-elles toutes dans le passé : Once Upon a Time… in Hollywood (Tarantino), Killers of the Flower Moon (Scorsese), Armageddon Time (Gray), The Fabelmans (Spielberg), Licorice Pizza (Paul Thomas Anderson) ?

Certes, le contemporain venait toquer sur l’écran, par échos plus ou moins lointains, plus ou moins revendiqués, mais cet ensemble informel s’échinait avant tout à dessiner une Histoire politique et /ou cinématographique des États-Unis, cantonnée à un XXe siècle borné des années 20 aux 80. Était-ce le signe d’une impuissance, d’une frilosité ? Ou un simple état de fait ? À partir d’une certaine échelle de production, est-il forcément plus facile de recourir aux séductions du vintage que d’ausculter sa propre époque ?
Parallèlement, Eddington, d’Ari Aster – qu’on pourrait présenter aussi bien comme un pseudo néo-western sous-coenien ou un laborieux épisode live d’un South Park sérieux – marquait un autre constat d’échec. Pour parler de l’Amérique aujourd’hui, difficile d’éviter l’enfonçage de portes ouvertes sociétales sur la violence et le racisme consubstantiels de cette société, l’addiction aux écrans, l’ère des fake news, le monde algorithmique. L’espoir d’un « grand film sur l’Amérique au présent » ne pouvait-il être qu’une chimère ? Étions-nous condamnés à attendre 2050 pour enfin voir avec le recul nécessaire un « grand film sur l’Amérique de 2025 » ?
À ces interrogations dépitées, la flamboyante réussite d’Une bataille après l’autre offre le plus cinglant des démentis. C’est avec un mélange d’éblouissement, d’étonnement et de soulagement que l’on reçoit un tel film qui, s’il est d’ores et déjà annoncé comme « le grand film sur l’Amérique trumpienne qu’on n’attendait plus » n’est pas réductible à cette formule publicitaire. Car c’est une œuvre aussi déroutante que familière, qui ne joue pas la carte facile de « la caricature d’un monde déjà ca