Littérature

Un premier roman d’une beauté neuve – sur L’Entroubli de Thibault Daelman

critique

Au fil de la lecture du premier roman de Thibault Daelman, on découvre sa sensibilité, son attention aux sons et à la manière inédite dont il saisit la complexité humaine de ses personnages, les libérant du poids de la classe sociale et du présent. L’Entroubli est un roman superbe, dans lequel la littérature affirme sa liberté et son autonomie.

Imaginons que le paysage littéraire français soit un vaste ciel de nuit. Des constellations se dessinent, des parentés apparaissent, mais il arrive que plus loin, ou au premier plan, ou de côté, une étoile esseulée brille d’un autre éclat. L’Entroubli, premier roman de Thibault Daelman, est une de ces étoiles. C’est un récit rare, d’une beauté neuve, mais pleine d’une connaissance d’un français vieux de mille ans. Une comète signée de la main d’un homme jeune, né en 1990, qui raconte simplement son enfance et son adolescence.

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De cet écrivain-né, Thibault Daelman, l’on ne sait rien, sinon ce que cette autobiographie dit. Une famille nombreuse, cinq garçons : Arthur, Thibault, Émile, Edgar, et César, un demi-frère aîné plus âgé. Une mère immensément mère, protectrice, dévorante, aimant ses fils et méprisant son époux au point de transmettre son mépris à ceux-ci en le leur rabâchant, une femme « formidable » au sens de jadis. Un père que ses enfants n’ont jamais appelé Papa, Olivier, effacé, noyé dans l’alcool et la déveine, humilié par la vie, trompé, terrassé par un, puis deux accidents vasculaires cérébraux, présence spectrale mais présence auréolée de quelques éclats de tendresse. Et des amis, des cousins, un oncle, une tante, des voisins de palier… Un monde en soi, dur, déshérité, mais poussé par l’élan de la vie et celui de vents contraires.

Une petite communauté pauvre, solidaire, vivace, habitant dans une barre d’immeubles à la périphérie d’une ville jamais nommée, sûrement Paris. La mention du quartier chinois où se précipite la mère quand soudain l’argent manque, qu’il faut nourrir tant de bouches et arpenter les allées des marchés les moins chers de la ville, cette mention, plus exactement cette scène-panique, permet de le comprendre. Mais la grande ville n’est pas l’unique du récit : il y a les dix jours de vacances annuelles à la mer, les séjours chez des oncles et tantes, la forêt, les arbres, le soleil.

L’absence de noms de lieux est remarquabl


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

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