La maternité crue – sur Tambora de Hélène Laurain
Un nouveau livre d’Hélène Laurain éveille d’emblée une vive curiosité tant le précédent, son premier publié, était singulier. Écrit en vers libres, Partout le feu (Verdier, 2022) avait l’énergie d’un flow potentiellement incendiaire, celle d’une coulée verbale sous tension qui convenait si bien à cette histoire de militants en lutte contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires, racontée par l’une des leurs, une jeune femme touchée par la solastalgie.

Même s’il se distingue formellement de Partout le feu, avec tout de même quelques résurgences de passages en vers libres, Tambora entretient avec ce roman inaugural de nombreux liens : la liberté dans la langue, en particulier dans ses différents registres (soutenu, trivial, documentaire, fantasmatique…), de même qu’une narratrice à la première personne qui semble ici être l’alter ego d’Hélène Laurain… Un des thèmes cruciaux y trouve également un prolongement, inquiétude majeure de l’autrice : le dérèglement écologique.
Au centre du livre : un corps de femme. Plus précisément un corps de femme enceinte, déjà mère d’une fillette, la Grande petite. D’abord victime d’une fausse couche, puis, quelques années plus tard, donnant naissance à un bébé bien vivant, la Petite. « Chez moi, les femmes parlent de la vie de leur ventre, dit la narratrice. Elles ne l’évacuent pas d’un revers de la main, ne pratiquent pas l’ellipse pudique, elles l’étalent aux yeux de tous. Elles en font leur fait d’armes, leur aventure, aussi valable que les histoires de guerre, d’ascension sociale arrachée des grands-pères ».
Voilà une déclaration que d’aucuns pourraient estimer un rien bravache – plus tard, s’y ajoute une aspiration plus que modeste, celle de ne pas parler que des « moments marquants » : « J’aimerais rendre la texture du quotidien », avec une citation explicite de « l’infra-ordinaire » de Perec. Cependant, placée tôt dans le texte, cette déclaration annonce clairement ce qui va suivre : une franchise à toute épreu
