Littérature

Existence rurale extraordinaire – sur Haute-Folie d’Antoine Wauters

Écrivain

Avec Haute-Folie, un roman souvent proche de la prose poétique, Antoine Wauters livre un texte fort sur les déterminismes du malheur, les silences familiaux, les violences du monde. L’occasion d’interroger l’originalité d’un écrivain couronné déjà de nombreux prix, qui constitue une voix un peu à part dans le paysage littéraire contemporain.

Antoine Wauters est-il poète, romancier, ou barde peut-être, surgi d’un autre temps et pourtant contemporain, d’une présence singulière dans des paysages qui semblent de toujours ? Il n’est pas facile en tout cas d’identifier le genre que travaille cet écrivain jeune encore, mais qui publie son neuvième livre déjà, Haute-Folie, dans une veine prolongeant celle par exemple de Pense aux pierres sous tes pas (2018) ou Mahmoud ou la montée des eaux (2021) : des récits qui empruntent au souffle de la poésie – et parfois à sa figuration sur la page – quelque chose comme un allant et une liberté propre. Quelque chose surtout qu’on appellera, faute de mieux, une voix, en insistant sur l’envie qu’elle donne de l’entendre, même à travers le silence de la lecture pour soi.

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Si Haute-Folie est désigné sur sa couverture comme un roman, c’est du côté de la fable, voire du mythe ou de la tragédie, que penche d’une certaine façon le récit, marqué dès les premières pages, et peut-être son titre, du sceau de la fatalité. Tout commence ainsi par la foudre, le feu, l’incendie venu du ciel de la ferme familiale, qui s’appelle donc la « Haute-Folie », dont la perte déterminera le destin de Josef, le protagoniste à demi-légendaire de cette histoire… Celui-ci naît en effet le jour, ou plutôt la nuit de la catastrophe : enfant d’un feu mortel, il ignorera cette origine, puis la perte de ses parents à trois ans, la marque enfin sur sa vie de cet éclair de mort initial. Tel le héros artiste et paysan d’une tragédie anhistorique, Josef porte sur son dos de doux géant un fardeau, ce poids dont il ignore la nature, cette ombre si lourde qui figure peut-être, au-delà de la fièvre mythologique que lui donne la prose de Wauters, notre part commune de mystère, nous qui portons tous quelque chose comme le secret de nos parents.

À le résumer ainsi, on tente de suggérer la ligne principale du roman, en essayant de ne pas le trahir, de dire en quelques mots la force qu’il dégage authentiquement


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire