Cinéma

La nature des poètes – sur des films de Hong Sang-soo et Simón Mesa Soto

Critique

Deux films sortis simultanément, un coréen et un colombien, mettent en scène un personnage peu courant dans le cinéma contemporain : le poète. Un jeune poète dans le nouvel opus méditatif d’Hong Sang-soo Ce que cette nature te dit et un plus âgé dans Un Poète, la chronique socio-satirique de Simón Mesa Soto qui nous fait voir la ville de Medellin de manière inattendue. Deux poètes plutôt du genre ratés, mais des personnages révélateurs d’une certaine colère. Et deux films de moralistes, qui montrent que le cinéma dit « poétique » a aussi besoin de trivialité.

Aux sorties de ce mercredi, double programme poésie. Ou plutôt deux films réunis par le pur hasard des sorties, un coréen – Ce que cette nature te dit, le 33e long-métrage d’Hong Sang-soo – et un colombien – Un poète, le second long-métrage de Simón Mesa Soto[1] – dont le héros commun (plutôt l’anti-héros) est ce drôle d’animal (a)social, dont on se demande s’il peut encore exister dans le monde contemporain : le poète.

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Chez Hong Sang-soo, c’est un « jeune » poète, Dong-hwa (enfin, il a déjà 34 ans) qui doit faire face à une épreuve redoutable : rencontrer enfin sa belle-famille, après trois ans de vie commune avec sa compagne. Dans Un Poète, c’est un « vieux » poète, Oscar (enfin, il n’a que cinquante ans, mais c’est bien trop tard pour encore jouer à l’écorché vif) qui a semble-t-il perdu l’inspiration mais trouvera peut-être une forme de rachat en mentorant Yurlady, une jeune adolescente issue des quartiers populaires de Medellín pour un concours de poésie locale.

L’un et l’autre sont mis à l’épreuve du jeu social, qui est déjà une première confrontation à la rudesse du monde. Derrière les politesses d’usage, les badinages de la conversation et le tour du propriétaire de la maison et du jardin des beaux-parents, Dong-hwa sent bien qu’il est regardé et même jugé avec une certaine sévérité par ses aînés. Quant à Oscar, quand bien même il appartient à cette génération des aînés, il a gardé l’esprit d’un ado mal fagoté et sans le sou, lippe pendante, lunettes de traviole et jean remonté jusqu’aux épaules. Créchant chez sa mère malade, lui réclamant à l’occasion du fric, il se remet plus ou moins bien d’un divorce douloureux et voit occasionnellement sa fille grandir loin de lui alors qu’elle s’apprête à rentrer à l’université.

D’un côté, un éternel immature dont les élans lyriques après quelques verres – il est vrai, assez empruntés – ont du mal à convaincre sa belle-famille. De l’autre, un artiste périmé, fils indigne, père défaillant et mentor empêtré. Da


[1] Son premier long-métrage, Amparo, avait été présenté à la Semaine de la Critique de Cannes en 2021, mais n’a pas connu de sortie en salle en France.

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Notes

[1] Son premier long-métrage, Amparo, avait été présenté à la Semaine de la Critique de Cannes en 2021, mais n’a pas connu de sortie en salle en France.