Critique

Le titre original du livre de Teju Cole est Tremor, comme sa traduction française Vibrato, ces mots appellent à saisir différentes variations, notamment sonores, et évoquent autant les vibrations que les tremblements. Comme le précise l’auteur dans un entretien : « la vulnérabilité du monde au niveau sismologique, climatique, politique n’est pas déconnectée de la vulnérabilité de nos corps. […] Tout ce qui nous paraît sécurisé peut commencer à trembler demain.

Il peut toujours y avoir une sorte d’effondrement public ou privé ». Ces quelques mots, prononcés en 2023 au moment où le livre sortait aux États-Unis, résument la façon dont Teju Cole produit des ruptures tant dans la forme que dans le contenu de sa narration.

Professeur d’écriture créative au département d’anglais de l’université de Harvard, Cole expérimente autant la matérialité et la sonorité des mots que leur possible effacement. Il dit avoir écrit ce livre pendant la pandémie du Covid, conscient qu’entre la fin 2019 et 2020, un sentiment de perte, s’apparentant autant à la perte de mémoire qu’à la perte de personnes, devait être transcrit dans le cadre d’un livre. « Pour moi, ce livre parle de la texture de la vie, qui inclut certaines personnes que nous avons perdues. Et pourtant ce n’est pas un livre sur le deuil. C’est un livre sur la conscience (awareness) ». Cette conscience consiste à maintenir vive l’attention face à ce qui nous entoure, mais aussi, comme on le comprend au fur et à mesure de la découverte de l’ouvrage, à saisir que nous vivons sur une terre instable où, de l’histoire des dépossessions et des colonisations à celles des séismes (ceux du Japon et de Haïti sont cités par Cole), la disparition soudaine de toute assise peut s’avérer inéluctable.

L’auteur parle à travers son personnage : Tunde, un homme d’origine nigériane, professeur de photographie au Boston College, mariée à Sadako, une femme japonaise, férue de musique et en particulier de jazz. Si Teju Cole ne renie pas la