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Quand le roman joue sa peau – sur La Folie Océan de Vincent Message

Écrivain

Sous de faux airs de fable écologique, le cinquième roman de Vincent Message, La Folie Océan, se construit comme un thriller psychologique empruntant au roman polyphonique l’enchevêtrement de points de vue, celui des défenseurs de la préservation des fonds marins, à l’encontre des logiques de rentabilité d’une pêche industrielle – une fresque saisissante rappelant la complexité des enjeux à l’œuvre pour sauver nos milieux naturels.

Au deuxième chapitre de La Folie Océan, Patricia Andrade, une chercheuse de Quito, demande à Maya, avec qui elle coordonne un rapport sur la biodiversité : « Le plancton est indispensable, […] mais les gens n’y connaissent rien. Comment tu t’y prends pour sauver quelque chose qui n’intéresse personne ? » Maya ne répond pas, mais n’en pense pas moins : « elle savait que pour défendre les organismes planctoniques, rappeler ce qu’ils nous apportaient était un passage obligé. Il était impossible, sans cela, de susciter l’empathie. »

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Sans histoires, point d’empathie, voilà en substance ce que dit Maya Ferrer, l’un des deux personnages principaux du cinquième roman de Vincent Message. On ne peut s’empêcher de discerner, comme en surimpression de la pensée de Maya, une tout autre voix. Comment intéresser le lecteur à l’océan, « le milieu le plus méconnu de la biosphère » ? Comment éveiller un attachement matériel à cette masse immense, insondable et muette, alors que les rapports de force dont il est l’objet sont déterminants pour l’avenir de notre planète ? Accessoirement, comment sauver le roman réaliste férocement concurrencé par les récits de soi ?

La Folie Océan est en soi une réponse à ce pari délicat, comme il est souvent le cas pour les romans s’emparant de questions actuelles, clivantes et méconnues. Vincent Message n’hésite pas à mêler au déploiement romanesque des observations politiques, écologiques et esthétiques. Aucune d’elles ne nous est cependant livrée telle quelle, chacune est cousue dans un dense tissu de sensations, de descriptions, de mots, de gestes, de non-dits. Pareille méthode implique un triple parti pris narratif : développer des personnages porteurs d’un discours, déployer des trames narratives à même de refléter la complexité des situations et des enjeux, naviguer en permanence entre l’intime et le collectif, entre le sensible et les idées. Pari délicat, donc, et pari réussi : en nous donnant à voir l’océan à travers les yeux de ceux


Diana Filippova

Écrivain, Co-fondatrice de l'agence éditoriale Stroïka

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