Art contemporain

American spirit – sur l’exposition « Echo Delay Reverb »

Critique d'art

« Dans le rapport négatif de l’art afro-américain et de l’art euro-américain l’échange est désavoué et interdit puisque aucune partie n’admet avoir appris quoi que ce soit de l’autre » affirme Michele Wallace, écrivaine afro-américaine. C’est dans la lignée de cette réflexion que l’exposition Echo Delay Reverb soulève la question du postmodernisme, sa diffusion, et les passerelles entre celui-ci et les pensées francophones.

Il est difficile de mesurer quel peut être l’impact d’un ouvrage comme Black Boy (1945) de Richard Wright sur un jeune lecteur d’une dizaine d’années à la fin du siècle dernier. La violence des rapports sociaux qui se dégage du livre, la sensibilité du personnage, un pays que l’on peine à comprendre en le lisant tandis que l’on admire sa culture et la liberté qu’elle diffuse, et cela cinquante ans plus tard.

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Régulièrement cité dans le riche catalogue accompagnant l’exposition « Echo Delay Reverb » qui se tient au Palais de Tokyo, Black Boy est souvent présenté comme l’ouvrage pionnier d’une littérature afro-américaine qui décrit de l’intérieur la machine infernale du ségrégationnisme. Le narrateur refuse de se laisser réduire au statut de victime. Le jeune homme révolté, héroïque et parfois maladroit expérimentera une forme de résilience notamment par la lecture, puis par l’écriture, en devenant ainsi, par une pensée émancipatrice, acteur de sa propre vie.

Si les œuvres de Jimmy De Sana, de Laurie Anderson ou de Paul Chan nous guident aveuglément vers les travaux de la French Theory entre schizo-culture et Histoire de la sexualité, un autre versant de l’exposition prend à bras le corps les enjeux d’émancipation minoritaire au prisme de la race.

Transatlantique

L’ensemble exceptionnel d’œuvres de Melvin Edwards qui ouvre l’exposition paraît par certains aspects ancrer le projet de cette « saison américaine ». L’usage de matériaux industriels, l’exposition des chaînes et du fil barbelé, le métal et la soudure composent les strates d’un ouvrage d’art pour lier symboliquement les deux continents. À mi-parcours s’écrit la première problématique soulevée par la commissaire en charge de la saison, celle de la question du postmodernisme et de sa diffusion telle qu’interrogée par Michele Wallace, « dans le rapport négatif de l’art afro-américain et de l’art euro-américain l’échange est désavoué et interdit puisque aucune partie n’admet avoir appris quoi que ce soit


Léo Guy-Denarcy

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