Frère du passé – sur Klaus. Une vie antifasciste de Gilles Collard
On ne sait pas s’il y a des façons faciles d’être un fils. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas dû être aisé d’avoir pour père Thomas Mann, et qu’on ne saurait éluder ce fait en abordant la « vie antifasciste » de Klaus, comme l’appelle celui qui lui consacre aujourd’hui un livre, Gilles Collard. C’est une expression assez commune : « se faire un prénom », et on ne résistera pas à la tentation de l’utiliser ici, en remarquant d’abord que l’auteur a choisi de dédier ce livre sur un fils… à son propre fils, Hugo.

En réalité, Klaus, une vie antifasciste, n’est pas exactement, ou pas seulement, la biographie du fils de Thomas Mann, dont l’existence relativement brève (il se suicide à Cannes en 1949, à l’âge de 42 ans) et l’œuvre plutôt abondante (elle compte de très nombreux titres, aussi bien nouvelles ou romans qu’essais et pièces de théâtre, seul ou en collaboration avec sa sœur Erika) méritent assurément d’être redécouvertes par le lectorat français. C’est plutôt un travail très personnel de compagnonnage, qui dissimule sous les apparences de l’essai l’intimité d’une aventure intellectuelle toute contemporaine.
Il y a en effet deux façons, au moins, de lire le beau livre de Gilles Collard, en suivant l’adresse implicite de son titre : un simple prénom, donc, Klaus. La première, assez naturelle, est d’y voir un livre attentif à l’histoire des idées, soucieux de restituer, avec une grande rigueur et un travail de documentation remarquable, l’itinéraire d’un homme incarnant la difficile succession d’un monde ancien qui bascule, tel que pouvait encore l’incarner son père, Thomas Mann – sans doute l’écrivain allemand le plus célèbre de son temps (Les Buddenbrock datent de 1901, La Montagne magique de 1924).
C’est le passage d’un siècle à l’autre, d’un monde au suivant, où l’Allemagne de la République de Weimar fait office en effet de « tournant », pour reprendre le titre de l’œuvre – autobiographique – peut-être la plus connue de Klaus Mann, avec son roman M
