Le stade grotesque du capitalisme – sur Les Armes de la fiction de Leslie Kaplan
Le nouveau livre de Leslie Kaplan, Les Armes de la fiction, se présente comme un recueil d’articles, entretiens, textes de conférences publiés grosso modo ces vingt dernières années dans la revue Trafic, Mediapart, Libération, des ouvrages collectifs, etc. Un recueil de textes suffit-il à faire livre ? Pas toujours. Il arrive que l’effet de patchwork sonne faux, que la mosaïque laisse apparaître ses joints, voire que la colle bave sur le motif. Syndrome coq-à-l’âne, risque de redites, coutures formant un motif décousu qui finissent par enrayer toute ambition de cohérence.

Rien de cela dans Les Armes de la fiction, où l’on retrouve l’autrice dans son timbre, sa voix, son rythme, ses thèmes de prédilection, l’ensemble de ces textes formant un chant choral où tout se répond, fait écho, se complète, se précise, se tisse. Qui connaît l’œuvre de Leslie Kaplan (et il faudrait que ce soit le plus grand nombre) ne sera donc pas étonné de retrouver ici sa singularité d’écrivaine – son « tempérament » pour le dire comme Émile Zola –, son univers, son style, son élégante liberté, son « œil », ses terrains d’exploration, engagements, émerveillements et révoltes : le monde du travail (l’usine), la psychanalyse, le politique (la révolution), l’histoire (la Révolution), le cinéma, bien entendu la littérature, c’est-à-dire aussi le langage. Tout est dans tout, et ces thèmes, ces sujets, ne peuvent être isolés tant ils s’imbriquent avec une parfaite logique. Le tissage d’un motif général. Un livre autonome, donc. Et un livre politique.
Politique d’abord parce que, dans sa construction, ses visées, son discours, Les Armes de la fiction prolonge en quelque sorte Les Outils, paru il y a plus de vingt ans, et en poursuit le cahier des charges. Les « armes » ont néanmoins remplacé les « outils », pour dire un engagement plus effectif et peut-être plus urgemment offensif dans le monde qu’elle décrit. Politique aussi puisque la politique, écrit-elle, « ça n’est pas à côté ni en pl
