Philippe Artières & Éric de Chassey : « Il faut repolitiser mai 68 »
Depuis le 21 février et jusqu’au 20 mai, des « Images en lutte » occupent l’École des Beaux-Arts de Paris. Des images, mais aussi des livres, des brochures, réunis par l’historien Philippe Artières et l’historien de l’art Eric de Chassey pour constituer une exposition singulière dont l’objectif affiché est de repolitiser un événement historique dont chaque commémoration décennale s’est employée à gommer la dimension pourtant la plus évidente pour en faire trop souvent un folklore culturel. C’est donc paradoxalement dans le lieu où furent produits les fétiches les plus évidents de cette culturalisation – les fameuses affiches de l’Atelier Populaire – que cette exposition parvient à redonner la complexité et la puissance politique à ce que les co-commissaires ont choisi d’appeler la « culture visuelle de l’extrême gauche en France » (1968-1974). SB
Pour l’exposition Images en luttel, vous montrez conjointement des œuvres d’art et des documents, des tracts, des affiches, des livres. Pourquoi et comment avez-vous pris cette décision ?
Éric de Chassey : Il s’agissait dès le départ de travailler sur la culture visuelle. Sans nous soucier, du moins dans un premier temps, du fait de savoir si nous avions ou non affaire à des productions artistiques. Ce qui ne signifie pas, bien entendu, que nous n’avons pas été conduits, par la suite, à nous poser la question et à réfléchir à la manière de présenter tel ou tel élément. Mais notre point de départ était plus large, il consistait à adopter un point de vue visuel, à privilégier parmi les tracts, parmi les livres, les documents, ceux qui nous semblaient posséder une dimension visuelle importante. Après nous nous sommes demandé ce qu’il fallait montrer, et comment articuler les éléments de façon à faire fonctionner l’ensemble comme une exposition. Partant du principe que l’historien a l’habitude de présenter des documents là où l’historien de l’art présente des œuvres, il nous a semblé que la notion d’archive pouvait nous permett