Christian Salmon : « Nous sommes entrés dans un âge post narratif : l’ère du clash »

Ne cherchez plus quoi lire en vacances : Le Projet Blumkine fait partie de ces livres importants qui, trop souvent, passent à l’as car inclassables. Christian Salmon y narre les neuf vies d’un certain Iakov Blumkine, révolutionnaire, terroriste, agent secret, poète, secrétaire de Trotski mais aussi ami de Essenine et Maiakovski, collectionneur de livres anciens et cascadeur fasciné par la violence. Mais Christian Salmon y explore aussi sa relation personnelle au projet de ce livre, chantier de trente ans, abandonné puis repris, enfin achevé. C’est l’occasion d’un entretien littéraire et politique avec ce « politerati » atypique, minutieux observateur de notre actualité, d’Obama à Trump, de Sarkozy à Macron, du storytelling à l’ère du clash. SB
Parfois les livres se font attendre. C’est le cas de ce Projet Blumkine, que vous avez publié l’an dernier, plus de trente ans après l’avoir initié et en ayant même pris soin de l’oublier. Comment l’expliquer ?
Je ne sais qui des deux – du livre ou de moi – a attendu l’autre mais en effet j’ai mis trois décennies à « ne pas écrire ce livre ». Il est resté longtemps à l’état de projet inabouti sans pour autant que je me décide à l’abandonner. Il y a à cela des raisons historiques (l’échec du communisme comme réalité et comme mythe depuis les années 1980 qui a fait de la révolution d’octobre un sujet à bien des égards «intouchable ») ; Mais il y a aussi des raisons personnelles : au début des années 1990 dans le sillage de l’affaire Rushdie, j’ai créé le Parlement International des écrivains, et avec l’appui de plusieurs centaines d’écrivains nous avons constitué un réseau d’une cinquantaine de « villes refuges » afin d’accueillir des écrivains persécutés dans leur pays. Cette entreprise m’a occupé pendant quinze ans et ne m’a laissé que peu de loisirs pour mener à bien mes projets d’écriture. Cependant durant toutes ces années, je n’ai jamais abandonné ce projet ni son héros remarquable. Il m’a accompagné comme un p