Poésie

Kenneth Goldsmith : « Je suis un traitement de texte »

Journaliste

Premier poète lauréat du MoMa de New York, Kenneth Goldsmith est la figure mondiale majeure de l’écriture conceptuelle – un courant littéraire aussi radical qu’encore méconnu. Entretien à l’occasion de la traduction (par François Bon) de son anti-manuel L’Écriture sans écriture aux éditions Jean Boîte.

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Né en 1961 dans l’État de New-York, Kenneth Goldsmith a étudié à la célèbre Rhode Island School of Design – là où, au mitan des années 70, se formait Talking Heads. D’abord sculpteur, puis text artist, il est devenu poète, participant du mouvement international d’écriture conceptuellle qui a vu le jour à la faveur de la naissance d’internet. Fondateur d’UbuWeb, site archive de l’avant-garde artistique, il a longtemps présenté une émission de radio sur la très libre WFMU. Auteur d’une vingtaine de livres singuliers, entre l’art contemporain et la poésie, il a également écrit, en s’appuyant sur sa longue expérience d’enseignement à l’Université de Pennsylvanie, une sorte d’anti-manuel, Uncreative writing, récemment traduit en français (par François Bon) sous le titre, L’écriture sans écriture : du langage à l’âge numérique. SB

Vous avez été formé comme artiste, êtes maintenant poète. Y a-t-il une différence ?
D’abord, à la différence de l’art, il n’existe aucune économie de la poésie. Et, même si peu d’artistes seulement gagnent effectivement de l’argent, ils ont malgré tout quelque chose à vendre. Demeure donc toujours l’espoir. Mais dans le domaine de la poésie, il n’y a pas d’argent et pas le moindre espoir d’en gagner. On pourrait penser que cette absence de marché – et même d’intérêt – aurait pour effet de libérer la poésie, l’autoriserait à prendre de grands risques (quand on n’a rien, on n’a rien à perdre), pourtant elle s’avère universellement conservatrice et terne. J’ai voulu rendre la poésie de nouveau dangereuse.

Comment expliquez-vous le fait que la littérature apparaisse si peu au fait de la révolution esthétique qui s’est opérée dans le monde de l’art depuis le mouvement Dada, puis Marcel Duchamp ?
Le langage est très fragile et les gens ont peur de s’y attaquer. C’est la base de tout – au plan légal, judiciaire, monétaire, médical, amoureux, etc. – et il semble qu’il soit souvent assez difficile de nous comprendre les uns les autres. Alors l


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC