Littérature

David Samuels : « Les réseaux sociaux ont totalement détruit la presse comme institution »

Journaliste

Reporter littéraire pour les plus grands magazines américains depuis 25 ans, David Samuels a vu s’effondrer un monde : celui d’une démocratie américaine qui reposait en grande partie sur le quatrième pouvoir. A la vitesse d’un tweet, l’espace public civilisé fut remplacé par une véritable guerre civile de l’information. De ce chaos, une littérature ne manquera sans doute pas de renaître.

Lorsqu’au tournant du siècle, à New York,  j’ai rencontré David Samuels la première fois, internet babillait, nos téléphones étaient des Nokia, Trump qu’une tour – et il n’avait pas publié de livre. Il était déjà ce qu’on appelle writer pour de vénérables magazines, objets de nos rêves de journalisme : le New Yorker, Harper’s, Atlantic Monthly… La narrative-non fiction n’existant pas encore, ou plutôt l’étiquette n’ayant pas vu le jour, il ne pouvait logiquement pas en apparaître comme l’une des grandes figures. Ce qui, de fait, était pourtant déjà le cas. David Samuels fait partie, avec David Grann pour ne citer qu’un seul autre nom, de cette génération d’écrivains apparus dans les années 90 via leurs productions journalistiques au long cours, reportages littéraires qui s’inscrivaient dans le sillage d’une Joan Didion ou d’un Tom Wolfe. Ce qu’on ne savait pas à ce moment-là, alors que Facebook et Twitter n’existaient pas, c’est que cette génération serait la dernière à profiter du système des magazines pour vivre assez jeune de la littérature. Au moment où paraît en français une anthologie de ses reportages – Seul l’amour peut te briser le cœur – retour avec David Samuels sur les profondes mutations qui secouent les médias, la démocratie et la littérature américaine. SB

 

Vu de France, nous avons parfois l’impression qu’aux Etats-Unis la narrative non-fiction a désormais supplanté la fiction. Qu’en pensez-vous ? N’est-ce qu’une mode ? Une illusion ?
Ce qu’on appelle aujourd’hui narrative non-fiction est, en fait, la seule forme littéraire américaine indigène. Toute les autres formes littéraires auxquelles les américains ont eu recours viennent d’Europe. Si vous vous débarrassez de tous les romans américains, de toutes les pièces de théâtre américaines, de tous les poèmes américains, il manquerait certes des œuvres fabuleuses, de grands auteurs, mais cela n’aurait pas d’impact formel sur ce qu’est la littérature. Ce serait même vrai de Moby Dick, le plus grand livr


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC

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