Musique

Agnès Gayraud : « Le hit sera toujours pour la pop une sorte de Graal artistique »

Journaliste

Et si au lieu de parler à tout va de pop culture (ce qui ne veut rien dire), on s’attachait à prendre au sérieux la musique pop comme forme esthétique ? C’est ce que vient de réaliser Agnès Gayraud, menant sept ans durant une magistrale enquête philosophique à l’issue de laquelle paraît un ouvrage qui déjà fait date. Entretien et top 10.

Musicienne, auteure-compositrice et interprète sous le nom La Féline, Agnès Gayraud est aussi philosophe, professeure d’esthétique à La Villa Arson, à Nice. Auteure d’une thèse sur La critique de la subjectivité et de ses figures chez Theodor Adorno, figure de l’école de Francfort et premier critique radical de la «musique populaire légère ». C’est contre, tout contre Adorno qu’elle vient encore de passer sept ans à écrire Dialectique de la pop, un ouvrage majeur sur un domaine encore trop délaissé par la théorie, une enquête philosophique informée d’esthétique autant que d’histoire des techniques ou des modèles économiques, ou encore d’archéologie des médias. Entretien suivi d’un petit top très personnel de dix bijoux pop. SB

Comment est née la pop ?
Il n’y a pas de naissance mythique, suite à un choc de Titans ou dans une coquille de noix d’un tel objet. Mais disons que l’histoire, très ancienne, de la musique populaire, c’est-à-dire en Occident, d’une musique non-écrite et liée au profane dans ses thèmes a irrémédiablement été transformée par l’avènement de la technique de l’enregistrement sonore. Plus précisément, on peut repérer un premier acte fondamental de sa naissance le jour où, dès le début du siècle dernier, des folkloristes ont commencé à se rapporter aux enregistrements qu’ils effectuaient « in the field » dans les prisons, dans les campagnes, comme à autre chose qu’à des archives à l’usage d’ethnomusicologues en quête de documentation sur la survivance de tels ou tels morceaux dans telle région d’Amérique, le jour donc où ils ont saisi que ces enregistrements constituaient des objets autonomes, des artéfacts appréhendables en tant que tels – non pas seulement cette vieille chanson, ce vieux folklore, mais cet enregistrement de cette chanson interprétée dans le jeu et le chant d’un interprète singulier, capté à un instant donné. À partir de là une expérience esthétique d’un nouveau genre s’est amorcée, au-delà des compositions, du vieil art des chansons, celle d’un art de la musique populaire enregistrée. Si bien que l’enregistrement n’en fut pas seulement une détermination technique, un véhicule dispensable, mais une condition de production par laquelle la pop – que je comprends en un sens très large, au-delà du seul genre « pop » que l’on oppose par exemple à rock, à jazz, à musiques du monde – allait se déterminer comme un art musical distinct, avec ses enjeux esthétiques bien à elle, différents de ceux d’un art musical écrit, du pur folklore ou de la pure improvisation. Un certain répertoire de la musique populaire a ainsi commencé à se constituer non pas seulement comme traces d’œuvres préexistantes mais comme œuvres sonores fixées, uniques et autonomes.

Pour comprendre la pop, il convient donc de prendre en compte non seulement les aspects esthétiques mais aussi économiques et techniques et, surtout, les articulations entre ces trois dimensions ?
C’est certain, nous avons affaire à un objet hybride – mais au fond on pourrait dire la même chose de tous les autres arts : les médiations techniques, culturelles et finalement mercantiles les saisissent tout autant. Ce qui est intéressant, c’est que la pop est peut-être l’art qui a le plus énoncé la conscience de cette insertion des œuvres dans la technique et donc dans la culture et dans le marché. L’amateur de pop le plus idéaliste sait ce qu’il doit à la radio – il y a de belles pages de Dylan dans ses Chroniques sur le sujet –, il dialectisera toujours la part d’utopie promise dans la réconciliation pop – quand de vrais hits mettent « tout le monde d’accord » et la dégradation dystopique de cet idéal dans le matraquage, les campagnes massives de communication, tout en sachant la première condamnée à échouer dans la seconde. Cette conscience aiguë – qui existe déjà dans les chansons de la Tin Pan Alley, mais aussi dans le blues des années 30 – fait que dès le départ, la pop, cette musique populaire enregistrée en train de s’autonomiser, a conçu jusqu’à un certain point une sorte de sens tragique de son inauthenticité. On est face à un art où il n’y a pas de prétention à une forme de pureté – du moins sur ce plan technico-social –, de suspension dans un éther détaché des médiations parfois pesantes de la culture objective. D’innombrables chansons parlent d’industrie, évoquent la dialectique de fidélité et de trahison qu’implique la deterritorialisation par l’enregistrement et l’industrie de la communication de musiques que l’on rêvait attachées à la terre ou à une communauté locale donnée. Tout mon geste, à partir de là dans le livre a consisté justement à ne pas en noyer le sens dans ces médiations mais à comprendre comment, précisément comme art musical, elle les avait comprises, intégrées, articulées à des idéaux esthétiques essentiels – en partie hérités d’un certain Romantisme mais pas seulement.

Dans quelle mesure le succès de ce mot et son usage trop large (que peut bien vouloir dire pop culture) fait-il obstacle à la compréhension du phénomène ?
En effet, tout l’enjeu ici a été pour moi de traiter de ce que la pop a à offrir en tant qu’art musical, de me concentrer donc sur les œuvres musicales et de ne pas noyer le poisson dans le grand fourre-tout de la pop culture. Aujourd’hui, la pop est largement abordée dans des écrits plus ou moins scientifiques, soit sous le signe de l’anecdote (biographies de musiciens, histoire d’un courant) ou sous celui de vastes analyses socio-historiques où elle n’apparaît plus que comme un phénomène culturel sans rapport avec l’art voire sans rapport avec la musique. Ce qui produit un effet de légitimation étrange : tout le monde est d’accord pour en parler, mais sur le plan artistique, on ne sait plus trop de quoi on parle. Commencer donc par ne pas y voir un “phénomène” mais un art musical, avec ses conditions caractéristiques de production, ses problèmes esthétiques fondamentaux – comme d’autres auteurs l’ont fait plus tôt à propos de la photographie ou du cinéma, autres arts “reproductibles” – voilà ce qui m’a paru utile pour orienter enfin le regard et l’écoute sur ce qui me paraît en elle essentiel : la musique, une certaine façon de la faire et de l’écouter.

Dès l’origine la pop a été attaquée. On pense notamment aux remarques de Theodor Adorno…
La musique populaire a toujours existé, et elle est bien plus ancienne que l’art musical « savant » déterminé en Occident pendant quatre grands siècles par la notation. À la hiérarchie plus ancienne entre profane et sacré, cette grande histoire de la musique « classique » (le terme est impropre mais culturellement signifiant), on a fini par substituer des oppositions plus polémiques : entre musique « légère » et « musique sérieuse », musique commerciale, de divertissement et musique véritablement artistique, musique facile et musique pour initiés, art mineur et art majeur. Avec la puissance de diffusion et le déferlement démocratique (des auditeurs mais aussi et surtout des artistes) qui ont accompagné l’avènement de la musique populaire enregistrée, il est apparu à certains qu’une sorte de hold-up historique était en train de se jouer, que la vraie grande musique allait être étouffée sous le bruit assourdissant de cette musique si facilement industrialisée puisque déterminée d’office par les conditions d’une industrie, celle de la phonographie. Adorno est de ceux-là. À chaque fois qu’il parle de « popular music », il semble craindre une invasion. Il en ressort des propos assez haineux. Mais, paradoxalement aussi, une grande curiosité pour cet objet, et une grande pertinence quand il interroge le médium radiophonique lui-même notamment dans ses études américaines du début des années 40. Pour mener une réflexion esthétique sur la pop, son mépris – sa méprise – mais aussi toute sa théorie d’un Modernisme rétif à la popularité, presque ascétique, fournissent un contrepoint qui m’a permis, par contraste, par différence, de mieux comprendre ce qui se passait pour la musique dans l’avènement de la musique populaire enregistrée. D’un ennemi objectif, j’ai pu faire un allié subjectif, y compris parce que certains éléments de sa méfiance, de sa conception dystopique de l’industrie culturelle, mais aussi de sa conception ascétique du geste musical se retrouvent en fait mutatis mutandis dans l’esthétique de la pop.

Quant aux vieilles distinctions, elles ont peu de sens si on appréhende largement l’histoire de la musique populaire enregistrée : « John The Revelator » de Blind Willie Johnson, « A Love Supreme » de Coltrane ou « The Creator has a masterplan » de Pharoah Sanders ont bel et bien à voir avec une forme de musique sacrée. La musique populaire enregistrée peut être très savante – on cite souvent Zappa, on pourrait citer, dans des genres très divers, Joni Mitchell, Animal Collective ou Autechre. Et même sous l’apparence la plus simple, l’écriture d’un tube (d’un vrai) suppose en fait une maîtrise insoupçonnée… Adorno ne connaît pas toutes ces références, quand il parle de jazz, il a en tête le swing blanchi ou les chansons de crooner, hits diffusés à la radio américaine dans les années 30. Au fond, il parle essentiellement de mainstream, du haut des charts de l’époque, un peu comme si l’on jugeait l’histoire de la musique écrite occidentale à partir des quelques mesures bien connues de la Cinquième Symphonie de Beethoven.

A l’issue de cette enquête philosophique, êtes-vous en mesure de proposer une définition de la pop ?
Peut-être parce que je pratique moi-même cet art musical ou parce que je connais beaucoup de gens qui le pratiquent, j’ai voulu à tout prix éviter la violence d’imposer un contour musical rigide à cette forme (« la pop, c’est la musique tonale », « la pop, c’est le poom-chack », « la pop, c’est la mélodie et pas le motif »). En réalité, quiconque se plonge dans tout ce que la musique populaire enregistrée a offert au XXe siècle constate que la musique y circule. Il y a beaucoup de Bach dans les tubes Anglo-saxons des années soixante, de la musique traditionnelle indienne dans le space jazz des années soixante-dix, des textures empruntées même à la musique concrète ou à la musique spectrale dans la musique électronique d’aujourd’hui, etc. C’est un des caractères essentiels de l’art musical pop, sur le plan « musicologique », même si certaines règles d’écriture peuvent caractériser certains genres avant qu’une exception les altère, la pop mange à tous les râteliers. Sur le plan historique également, n’y a pas d’irréversibilité comme le voulait Adorno avec le Modernisme, pas de « rebut de la Modernité » auquel on ne peut plus toucher : le revival est une figure constitutive de nombreuses avant-gardes pop… Si j’aboutis à une définition en revanche, c’est à la définition d’une forme, qui a ses points de départs, analytiques (enregistrement, utopie de la popularité) et sa dynamique (une dialectique, où je montre que cet art musical n’a de cesse de se penser contre lui-même, de ressasser ses contradictions esthétiques fondamentales : ses racines détéritorialisées, le « génie démocratique » de ses créateurs, la « magie rationalisée » de ses tubes, l’« innocence historicisée » de ses récits historiques. Tout cela bien sûr n’est pas si simple, et requiert des médiations, c’est pourquoi le livre est assez long! Mais la pop mérite bien qu’on s’y penche avec ce sérieux, et surtout désir d’en écouter toutes sortes d’expression, j’en suis toujours convaincue.

Vous pensez la pop d’abord comme une forme, qu’entendez-vous par là ?
« Forme » ici est à concevoir comme une manière de fonctionner de ce que j’appelle l’art musical pop, que je comprends en un sens très large, au sens que les Anglo-Saxons donnent à la « popular music », c’est-à-dire à cette musique populaire enregistrée émergée au XXe siècle et faite de tout un tas de genres, du blues au hip-hop, du funk au métal en passant par la chanson moderne. La pop comme forme, telle que je l’aborde donc, ce n’est pas juste la pop au sens du « genre » pop, ce style particulier de la musique populaire où le chant est spécialement mélodieux, où le morceau comporte un refrain bien identifiable, un pont, cette pop années 60 dont les Everly Brothers ou les Beatles ont donné des modèles assez absolus. Même si ce genre pop fait éminemment partie de ce que j’appelle « pop », il reste, au sein de cette forme un genre (ou un style) parmi d’autres. Réfléchir à la forme pop m’amène donc à m’interroger aussi bien sur le rock progressif, sur la noise ou sur le space jazz. Également à des morceaux confidentiels, loin du mainstream, à une pop qui n’a jamais vendu et ne souhaite même pas vendre.

La forme pop telle que je l’aborde comprend différents genres mais ne s’identifie à aucun d’eux. Car sa « découpe » n’est pas une découpe proprement musicologique, elle est esthétique, c’est-à-dire qu’elle vise à dégager les concepts opératoires pour définir cet art musical particulier distinct d’autres arts musicaux (folklores, musique écrite, musiques improvisées, musique concrète…). Au XXe siècle, il y a eu des textes philosophiques pour penser l’art cinématographique, la photographie. On a médité en esthétique sur ce qui distingue la photographie ou le cinéma d’autres arts graphiques comme la peinture, mais on ne s’est jamais autorisé à se questionner sur l’art musical pop qui nous préoccupe pourtant esthétiquement depuis bien longtemps. Quand je m’interroge sur la façon dont fonctionne la pop, comme art des musiques populaires enregistrées, j’opère un geste comparable à André Bazin ou Rosalind Krauss revenant conceptuellement sur les spécificités de la photographie. Il n’y aucun rapport stylistique entre Eugène Atget et Walker Evans, Robert Doisneau et Nan Goldin. Pourtant leur art relève à chaque fois de la photographie. De façon comparable, quand je parle de forme pop, j’englobe aussi bien des artistes et des œuvres très différents : je peux parler d’une chanson méconnue de Dylan et d’un tube de Rihanna, d’un instrumental de rumba congolaise ou d’une reprise d’un vieux blues par un groupe de grunge. On peut lever un sourcil et se dire que c’est beaucoup trop large : cela l’est évidemment sur le plan musicologique, comme sur celui des formes de vie, des généalogies musicales, mais l’enjeu est d’interroger profondément l’association artistique d’une musique non écrite et de la technique phonographique, et de cerner le sens esthétique profond – et contradictoire – du populaire dans cette alliance féconde. Le tout, sans jamais se détourner bien entendu de ce que les œuvres donnent à entendre.

La pop a partie liée aux techniques d’enregistrement mais aussi de diffusion de la musique. Quels ont été, sont et seront les effets de la grande mutation numérique que nous connaissons sur la forme pop ?
En effet, dès lors que l’enregistrement a été possible, dans l’histoire de la phonographie, on a pu en reproduire le support. Comme il procède d’une technique de gravure, sur rouleaux ou disques, ceux-ci ont pu très tôt être dupliqués à partir d’une première matrice. L’enregistrement sonore a été ainsi rapidement indissociable de la possibilité de sa reproductibilité technique : plus précisément de la reproductibilité du support d’un enregistrement lui-même unique. Or cette reproductibilité technique a une première conséquence : une réelle ubiquité. Une même chanson pouvait déjà être chantée dans deux endroits différents, deux concerts de musique de chambre exécutant la même œuvre au même moment étaient déjà possibles avant. Mais l’ubiquité des enregistrements par la reproductibilité technique de leur support est d’une nature encore plus « pure », plus totale si l’on peut dire. Voilà que des sons fixés sur le vinyle ou sur la bande peuvent résonner à l’identique partout – ou au moins en des endroits différents – en même temps. Dans les faits, cette capacité d’ubiquité, portée par la puissance d’une industrie phonographique soucieuse de diffusion, s’est traduite par un phénomène concret plus lourd de conséquences esthétiques : le phénomène de déterritorialisation de la musique. Le terme est employé par Deleuze. Mais nul besoin ici d’être deleuzien pour en comprendre signification. Il y a toujours eu des migrations humaines, et par là des circulations culturelles et artistiques. Tout un répertoire de chansons du folklore européen ont innervé, on le sait, les pratiques musicales américaines via les grandes migrations de populations vers l’Amérique dès le XVIème siècle. Toutefois, avec l’enregistrement et les techniques de diffusion déployées par l’industrialisation de la culture, la déterritorialisation a non seulement accéléré ces effets migratoires, mais plus encore, elle a accompli le « miracle » d’une transmission à l’identique, d’œuvres enregistrées, avec toutes leurs spécificités sonores, à l’autre bout du monde. Avec les enregistrements pop, le blues du Delta a directement influencé les rockers anglais du début des années soixante, le chant typique de James Brown a directement influencé des artistes funk zaïrois, le grand groupe japonais Yellow Magic Orchestra a dialogué en temps réel avec le groupe allemand Kraftwerk. Si le fait semble aujourd’hui banal, il faut réaliser que cette puissance pour une musique d’être potentiellement partout elle-même, et dès lors partout chez elle, par sa diffusion, est absolument inédite dans l’histoire de la musique.

La numérisation est donc venue s’inscrire dans cette histoire déjà ancienne…
De toute évidence, en effet, la numérisation a encore facilité ce phénomène : il était plus difficile dans les années 80 de se fournir en disques de rock indépendant peu connus – on le faisait par import – qu’aujourd’hui où l’on peut espérer trouver d’obscurs albums numérisés sur internet.  Mais pour ce qui passait à la radio en revanche ou à la télévision, la déterritorialisation opérait avec une rapidité comparable à ce qui se passe aujourd’hui avec le streaming. On a tendance à faire une rupture historique de ce phénomène, mais il est en fait très proche du principe de la radio, à ceci près que les différentes plateformes (Spotify, YouTube, Soundcloud…) donnent accès à une possibilité de programmation à la carte — bien qu’en réalité, de vieilles techniques de matraquage se rejouent là de façon moins visible, via les playlists proposées, les mises en avant, et un horizon d’utilisation, pour Spotify par exemple, qui vise d’avantage à accompagner les activités des utilisateurs qu’à les rendre actifs dans l’écoute de la musique. Dans tout ce contexte, la micro-matérialisation (comme le dit Jonathan Sterne) de la musique qu’est la numérisation a démultiplié l’accessibilité (ce qui ne veut pas dire l’accès) à certains répertoires, et renforcé un sentiment d’océan musical disponible face auxquels les auditeurs peuvent finir paradoxalement par devenir moins curieux ou moins patients dans leur écoute. Mais la micro-matérialisation a surtout eu une conséquence économique massive : la dévaluation marchande des œuvres musicales, bouleversant toute une industrie (comme le montre très bien le livre de Sophia Fanen, Boulevard du Stream), qui commence à parvenir à se rattraper en négociant des contrats privilégiés pour ses artistes les plus vendeurs. Il y a toujours eu des musiciens pauvres, mais le streaming fragilise de fait les classes inférieures de la production musicale, même s’il vend l’idée que l’artiste est plus exposé – comme on est exposé en vitrine – qu’autrefois. C’est globalement faux. Le fait que les groupes underground méconnus fréquentent les mêmes plateformes monopolistiques que les autres ne les rend nullement plus capables de survivre : le dominant économique reste le dominant. Je crois en tous cas qu’il faut faire la part entre l’apparente nouveauté des outils numériques disponibles (avec une publicité qui met principalement en avant le caractère infini du répertoire disponible et/ou son accessibilité) et ce que l’avènement de ces outils acte vraiment : une conscience nouvelle de l’accumulation pharaonique des enregistrements disponibles depuis le début du siècle dernier – dont le livre de Simon Reynolds, Retromania, déployait il y a quelques années tout l’effet mélancolique presque morbide, pour l’amateur érudit notamment – et, comme partout ailleurs dans le système capitaliste, un creusement des inégalités économiques considérables (jusqu’à la déréalisation quand on regarde les différences gigantesques au compteur de vues entre les milliards accumulés par les artistes les plus en vue et les quelques centaines de vues d’innombrables contributeurs de cet art « démocratique ») avec un système industriel (car les « services » Spotify, YouTube – qui appartient à Google –, Soundcloud et autres, restent une industrie, qui plus est, monopolistique) qui, dans le fond, continue de ne prêter qu’aux riches.

Dans votre livre, vous vous arrêtez sur des figures de la pop. Quelles sont-elles et comment les avez-vous isolées ?
Oui, je prends figures au sens de configurations. Il ne s’agit pas d’une galerie de portraits individuels de chanteurs ou de musiciens, mais d’enjeux esthétiques constitutifs pour quiconque s’intéresse à l’art musical populaire. J’en ai dégagé quatre : le « paradoxe du hill-billy » (l’expression est d’Adorno), ce que j’appelle le « sujet pop », la question du hit et la question du progrès. Dans chaque cas, se configure une contradiction ou du moins un paradoxe typiquement pop. Je n’exclue pas que l’on aurait pu en dégager d’autres, mais sur les sept années de travail que j’ai consacrées à cette réflexion, ils m’ont semblé cristalliser efficacement les problèmes que je me posais. Il y avait c’est vrai un chapitre supplémentaire : il concernait plus spécifiquement la question de l’écoute, je l’avais intitulé « Radio activité » pour le plaisir de la référence à Kraftwerk : j’y revenais sur la typologie des auditeurs chez Adorno, sur la question de la banalisation de la musique, de la lassitude, des effets du streaming. Mais je l’ai finalement réservé pour un autre livre, car d’une part cela donnait un volume beaucoup trop long (!), et cela sortait aussi de l’exigence que je m’étais donnée d’étudier l’objet pop plutôt que la variété des manières dont nous nous rapportons à lui. Par ailleurs, il me semblait clair que la question de l’écoute, du streaming, de l’activité ou de la passivité concerne en fait tous les arts musicaux, non le seul art des musiques populaires enregistrées.

Pouvez-vous revenir sur chacune de ces « figures » ?
Le paradoxe du hill-billy envisage la question d’une authenticité déracinée, qui résulte de la tension à laquelle se confrontent des œuvres populaires dont l’ « authenticité » recherchée est indissociable dans certains genres (comme la country, le reggae, ou ce qu’on appelle étrangement au fond les « musiques du monde »), de la communauté locale, du lieu d’origine, des racines de la musique, et qui, n’a eu de cesse d’expérimenter avec la pop le phénomène de « déterritorialisation » dont je parlais plus haut, qui contredit cet enracinement, et apparaît dès lors comme sa trahison permanente. La figure du « sujet pop » quant à elle, produit le paradoxe d’un « génie démocratique » dont je construis la figure à partir de la théorie kantienne du génie par qui la « nature donne ses règles à l’art ». Cette conception très romantique sied comme un gant à l’esthétique du génie pop, qui mise sur l’idiosyncrasie et se méfie même jusqu’à un certain point de l’apprentissage. Mais la force toute dialectique du génie dans l’art musical pop, c’est d’avoir ouvert la possibilité d’une « élection » à tous les individus démocratiques, jusque dans leurs inégalités, en misant sur leur incarnation, leurs particularités (race, classe, genre, âge…), leur singularité même (dont l’enregistrement peut capter l’évènement) sans exigence d’une initiation à la musique en conservatoire, sans référence non plus à des modèles vocaux ou instrumentaux pré-donnés. La pop peut faire un génie de n’importe qui, pourvu, comme je l’écris, « qu’il soit un virtuose de lui-même », ce qui ne veut pas dire que tous les artistes pop sont des génies.

La figure du hit est bien sûr tout aussi centrale dans mon enquête sur ces configurations paradoxales. Le livre récent de John Seabrook sur la « fabrique des hits » montre les coulisses du mainstream r’n’b contemporain, met en évidence la division du travail à l’œuvre, mais aussi le « génie » des producteurs, à l’affût de celui des interprètes, suivant des techniques extrêmement rodées. Mais là encore, je m’efforce, de mon côté, d’aborder la chose sous le signe d’une tension, entre magie et rationalisation, esthétique du « ravissement » et calcul, sans que l’un parvienne au fond, dans le cas des hits accomplis, à avoir raison de l’autre. Enfin, la dernière configuration paradoxale est celle de l’innocence historicisée que produit le récit critique du progrès en pop (apparu d’abord dans la critique de jazz des années cinquante puis rapidement intégré dans la critique rock). En spécialiste d’Adorno, qui propose une solide (et très problématique) théorie du progrès du matériau musical dans son esthétique moderniste, je me devais de comprendre ce que produit dans la musique populaire la revendication « hors sol » de cet idéal de progrès. Avec cette idée-là, les élans profondément revivalistes de l’esthétique pop font bien sûr des étincelles.

Vous terminez votre ouvrage avec un personnage singulier R. Steevie Moore, qui est-il ? Pourquoi lui ?
Steevie Moore est né à Nashville, en 1952. C’est le fils de Bob Moore, un bassiste de studio qui a enregistré pour les plus grands, d’Elvis Presley à Patsy Cline, ou même pour Dylan. On ne peut imaginer pourtant d’artiste pop plus éloigné de ce qu’a représenté son père. Depuis qu’il produit des disques – il a un premier petit succès dès 1959 en chantant sur une chanson presque grinçante de Jim Reeves sur la paternité « But You Love Me, Daddy » –, Moore développe une esthétique très expérimentale et psychédélique voire hypnagogique de la musique populaire enregistrée. Ses productions sont pléthoriques, et fascinent les amateurs les plus avant-gardistes, car elles mêlent goût de la mélodie à la Beatles et déformations voire défigurations sonores qui pourraient le rapprocher de Frank Zappa (quoiqu’un Frank Zappa plus volontiers accroché à la figure de l’enfance). Il se trouve, et s’est toujours trouvé, en tous cas, loin, très loin du mainstream pop.

En 2012, pourtant, cet obsessionnel du home recording sur cassette, confiait à un journaliste français qu’il était « influencé par Paul McCartney ou Stevie Wonder qui étaient sur des majors » et qu’il « aurait aimé avoir un hit », même si en un autre sens, il estime que « la reconnaissance de son art suffit ». Cette invocation du hit, comme accomplissement de son œuvre musicale, contrebalancée par un autre point de vue, plus ascétique, a en fait un sens très profond, chez un musicien pop aussi marginal. En étudiant la manière dont la pop se définissait esthétiquement, je n’ai eu de cesse d’achopper sur ce fait : le hit, le vrai hit, celui qui réunit l’exigence artistique et le plébiscite, celui qui n’exclut ni ceux qui ignorent tout de la musique ni ceux qui en savent trop cristallise pour la pop une sorte de Graal artistique. J’appelle cette réconciliation idéale l’ « utopie de la popularité », qui bien sûr, ne s’actualise pas dans tous les hits que l’industrie nous impose, mais s’incarne toujours dans un canon donné chez les compositeurs et amateurs de pop de tout poils, y compris pour les plus « anti-pop », les plus critiques et polémiques avec le mainstream.

Si la pop est un art musical de l’enregistrement, il ne se laisse qualifier à terme esthétiquement que par ce rapport, plus ou moins étroit, à la force gravitationnelle de cette utopie de la popularité, où la musique réconcilierait tous les individus, dans leurs inégalités même. Mozart écrit en 1782 une lettre saisissante à son père à ce sujet, en disant qu’il cherche une musique de la « juste mesure » qui réconcilierait initiés et non-initiés, les uns capables de saisir l’exigence, les autres séduits « sans savoir pourquoi ». Mozart n’est pas un compositeur pop bien entendu au sens précis que je donne à l’art musical pop, mais il me semble saisir là l’idéal esthétique que recouvre au fond en pop la notion de « popularité » (qu’il faut distinguer de celle de célébrité).  Pour revenir à R. Steevie Moore, probablement un admirateur de Mozart par ailleurs, mais aussi des Shaggs (ces trois sœurs qui publièrent en 1969 un album virtuose par son anti-virtuosité), il me paraît fascinant que cet élan vers le hit, et donc vers l’utopie de la popularité, se retrouve chez celui que l’on traite de weirdo (entre individu bizarre et débile) à Nashville (haut lieu de fabrication des grands tubes country depuis les années 30). Entre cette vision du hit comme accomplissement et l’idée que « la valeur de son art suffit », c’est toute la dialectique de la pop qui se joue, entre l’impérieuse force de gravité de l’idéal d’une musique réconciliatrice et sa résistance aux normes musicales, sociales, culturelles que fige toujours, en fin de compte, son mainstream.

Face à cette ambiguïté, la conscience pop contient en elle la négativité suffisante pour se rapporter à soi comme à un art autonome. Mais elle est tout aussi orientée par la force gravitationnelle de cette utopie de la popularité que l’art musical pop, dans son idée la plus positive, la plus universaliste et réconciliatrice, promet. R. Stevie Moore, dont la discographie défait toute stratégie de conquête des charts, ne raconte avoir créé toutes ces années que dans ce déséquilibre, qui rend en fait l’art musical pop si fécond.

La pop a toujours fait l’objet de listes et autres classements, quel serait votre top 10 des meilleurs morceaux pop de tous les temps ?

C’est très juste, on trouve cela aussi dans une certaine critique cinéma : les tops ! En ce qui me concerne, faire une liste des dix meilleurs morceaux sur une histoire et une forme aussi vastes me paraît bien sûr parfaitement impossible, y compris de mes dix préférés, alors je citerai, dans l’ordre chronologique des morceaux qui me paraissent représentatifs d’un génie pop irréductible, auxquels je pense avec émotion si je doute après avoir entendu trop de mauvais morceaux ! (NDLR : les titres des morceaux sont cliquables et donnent accès à leur enregistrement sur Youtube.)

1. Carter Family, « Single Girl, Married Girl », 1927

Une chanson probablement plus ancienne que Sara, son mari Alvin et Maybelle Carter qui l’interprètent ici en 1927 pour des sessions d’enregistrements qu’ils sont venues faire à Bristol pour les disques Victor (dans le Tennessee) après un long voyage, depuis la Virginie, avec l’autoharp de l’une et la guitare de l’autre (jouée avec une grande originalité par Maybelle qui a inspiré de nombreux guitaristes). J’en trouve la mélodie formidable, le sens assez rebelle (puisque la « married girl » semble au fond plus désespérée que celle qui vit sans mari) et l’interprétation, brève, sans pathos particulier, quoique l’ensemble soit à la fois enjoué et plaintif, parfaitement irrésistible.

2. Blind Willie Johnson, « John the Revelator », 1930

Enregistrée pour la première fois par Blind Willie Johnson, cette chanson est nourrie de gospels anciens, bribes bibliques, mais aussi d’éléments plus personnels : l’aveugle Willie Johnson demande de qui est cette « écriture » du livre des sept sceaux, et ce qui est écrit tandis qu’une voix lui répond « Ask John the Revelator », demande à Saint Jean l’Evangéliste – celui qui annonce l’Apocalypse. La voix de rocaille de Blind Willie Johnson ainsi fixée pour toujours, le son de sa guitare pris dans les oscillations d’une captation imprécise, le contrechant aigu de la femme au loin, font de cet enregistrement, profondément « auratique », un joyau du blues.

3. Screamin’ Jay Hawkins, « I Put A Spell On You », 1958

Un morceau fascinant à de nombreux égards, dont la version classique date de 1958, sans doute enregistrée par Jay Hawkins dans un état avancé d’ébriété, dont seul un enregistrement put capter la grâce démoniaque. Entre parodie totalement assumée (Hawkins mime un sorcier vaudou jusqu’à la caricature la plus polémique et insensée) et vrai envoûtement, ce tube me paraît encore immortel. Fait remarquable, la chanson est devenue un hit sans les habituels soutiens industriels ; lors de sa parution en 1956, elle est d’abord retirée du catalogue de Columbia sous la pression des radios. Elle n’intégrera jamais le top des charts américains ni le top r’n’b. Toutefois, elle est assidument transmise et reprise par de nombreux artistes, dès les années 1960, par Creedence Clearwater Revival, Nina Simone, Alan Price, puis les Them, Brian Ferry, jusqu’à, plus récemment, Manfred Mann, Eels ou Annie Lennox, parmi beaucoup d’autres.

4. The Shangri La’s, « Remember (Walking in the Sand) », 1964

C’est un peu la chanson de la subjectivité adolescente éternelle, plus encore, d’une subjectivité adolescente féminine, portée par la figure de la belle et déterminée Marie Weiss qui fascina des générations de musiciens, dont John Lennon. Il y a dans cet enregistrement des éléments de doo-wop, style du « Only You » des Platers, mais totalement modernisé par ces voix féminines – c’est un genre au départ plutôt masculin – et une orchestration plus emphatique qui évoque un flot d’émotion et de lyrisme que le doo-woop contenait. Bien entendu, le texte, où la nostalgie d’une idylle amoureuse confine au désespoir et à un sens aigu du temps révolu, est vertigineux chanté par une voix si jeune. J’aurais pu citer du même groupe la très belle « Past, Present and Future ».

5. Paul McCartney, « Junk », 1970

Avec sa mélodie parfaite et l’humanité rassurante de son interprétation, ce morceau de moins de deux minutes réalise une sorte de perfection pop à mes oreilles. Paul McCartney y évoque des objets divertissants et colorés devenus des déchets remisés dans une arrière-cour, une « bicyclette pour deux », des bouts de chandelles : « Buy ! Buy ! » dit l’enseigne du magasin d’en face, « Why ! Why ! » répondent les marchandises usées, abandonnées à leur inutilité. Comme si la marchandise elle-même, au comble de sa réification, se chargeait d’une conscience nouvelle et dénonçait tout le système qui l’a produite et la rend hors d’usage. C’est probablement d’une expérience de ce genre que parle Adorno, quand, contre toute attente, il s’émeut d’« un song anglais dégénéré » de Guy Lombardo : « Penny Serenade » (1938). L’art musical pop sait réaliser avec une grande justesse ce rôle de « chiffonnier de la Modernité » qu’évoquait Benjamin dans les Passages…

6. Led Zeppelin, « No Quarter », 1973

Cette fois nous sommes au contraire dans une emphase totalement assumée, où les possibilités du traitement électrique des sons, des effets de studio, du mixage, permettent à la pop d’accéder à une expressivité épique. Je suis toujours saisie par ce morceau où l’aquatique (l’effet aqueux sur le son de guitare mais aussi sur celui de la voix de Robert Plant) et le tellurique (la saturation sèche de la guitare et la batterie très frontale), offrent à entendre une unité assez cosmique, qui n’a rien de parodique (en tous cas, moi j’y crois).

7. Joni Mitchell, « The Same situation », 1974

C’est une des très belles compositions de Mitchell au piano dans l’album Courts and Sparks  « Tu as conquis de nombreuses jolies femmes, et voilà que tu poses ton regard sur moi, jaugeant la beauté et l’imperfection pour savoir si j’en vaux la peine » chante-t-elle. Autant sur le plan du texte que de l’écriture mélodique, elle introduit des complexités inédites (la carrure varie sans cesse dans ce morceau entre découpage en 5/4, 4/4 et 3/4, et elle utilise des accords de neuvième et de onzième jusque là assez inhabituels dans le folk), sans heurter particulièrement l’oreille, car elle est suffisamment virtuose et singulière pour que tout cela semble très fluide.

8. Rita Mitsouko, « Marcia Baila », 1986

Un grand hit français, qui a marqué mon enfance, et fait volontiers partie du canon pop de pas mal de compositeurs, du moins de ma génération ! Le morceau est entraînant, c’est une invitation à la danse, mais, à une danse macabre — c’est tout le génie des Rita —, puisque il y est question de la mort de la professeure de danse de la chanteuse, « emportée » par le cancer. Outre les formules saisissantes du texte où le réalisme cru se mêle à l’absurde (« c’est la mort qui t’a assassinée, Marcia! »), il y a tout le travail de production de Fred Chichin qui distord le rythme d’un tango, avec un son de synthétiseur bon marché presque grotesque. Il y aussi le chant de Catherine Ringer, avec ce fort accent évoquant l’espagnol, appliqué à la langue française. Or, dans ce tango-boogie de morts-vivants, les déformations dans la phonation contribuent à rendre la chanson ludique et addictive. Le style singulier — ce que j’appelle ailleurs l’idiosyncrasie — s’affirme de façon impérieuse. Cela paraît simple, mais il fallait l’inventer, et surtout l’incarner avec le sérieux et le panache du duo français, qui a réalisé là une œuvre capable de faire danser de par le monde ceux qui n’y comprenne goutte, mais n’échappent pas à son intensité.

9. DJ Shadow, « Stem/Long Stem », 1996

Extrait de l’album Endtroducing, le premier album exclusivement composé de samples de sources audio préalables dont la liste complète a été peu à peu établie, de Meredith Monk à Grand Master Flash, en passant par David Axelrod et Björk, ce morceau, mon favori de tout l’album, donne à entendre une puissante unité organique à partir de bribes. Façonné d’extraits de films (Le Prince des Ténèbres, Blade Runner) et d’éléments aussi divers que des samples de « Variazione III (Tredicesimo Cortile) » d’Osanna, groupe de rock progressif italien des années 1970, de « Blues So Bad » de The Mystic Number National Bank, un quartet de bluespsychédélique de Kansas City actif dans les années 1960, de « Oleo Strut » de Steve Drews ou de « 1-800-Suicide » du groupe de hip-hop new-yorkais Gravediggaz, il assume à la fois la friction de tous ces « débris » sonores (matérialisée par les scratchs de Q-Bert) et une véritable vision du monde et des sons, profondément expressive.

10. Rosalía, « De Plata », 2017

Avant de réaliser « Malamente » le morceau cross-over mêlant flamenco et r’n’b qui la rend aujourd’hui internationalement célèbre, la chanteuse barcelonaise Rosalía arrachait déjà le flamenco à la fausse image que l’on peut en avoir comme d’une musique traditionnelle – Paco de Lucía, le Nouveau Flamenco, Lole y Manuel, ont déjà démontré le contraire dans les cinquante dernières années. À regarder ce clip et écouter cette chanson qui n’est qu’un guitare voix, on entend irrésistiblement toute l’intensité d’une pop d’aujourd’hui, moderne dans son son, son interprétation, son geste radical mêmes.

Agnès Gayraud, Dialectique de la pop, éditions La Découverte/Cité de la Musique, 522 pages.


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC

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